André Dorais
Le gouvernement québécois subventionne des milliers d’entreprises à but lucratif et au-delà de 5 000 organismes communautaires. Parmi les subventions offertes, on retrouve les subventions salariales. Celles-ci facilitent l’obtention d’un emploi, car le gouvernement paie une partie du salaire de l’employé pour une période de six à douze mois. En d’autres mots, les subventions salariales constituent une façon d’offrir ses services à rabais en refilant la facture aux contribuables.
Non seulement plusieurs milliers d’emplois sont subventionnés, mais ces subventions sont parfois si élevées qu’elles équivalent, pour les employeurs, à payer un salaire en deçà du salaire minimum. Par exemple, un emploi dont le salaire brut est établi à 12,50$ l’heure, mais qui est subventionné à 40%, équivaut à un déboursé pour l’employeur de 7,50$, soit 2$ de moins que le salaire minimum. On trouve des centaines, voire des milliers d’exemples du genre annuellement au Québec.
Est-ce que le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale est conduit en justice pour violation de la loi? Non. Comme son nom l’indique, il agit par solidarité... Seuls les employeurs agissant de leur propre chef peuvent être considérés coupables de violer la loi. Il s’agit évidemment d’une ruse, une façon d’endormir la population en utilisant les mots qu’elle veut bien entendre. Le politique utilise le langage éthique, mais en en déformant le sens premier. Cette façon d’agir n’est peut-être pas illégale au sens strict de la loi, mais elle l’est certainement dans son esprit.
Comment ne pas s’indigner devant pareille injustice? C’est d’autant plus irritant que les politiciens aiment à être vus comme des redresseurs de torts. Ils conduisent en justice les employeurs ayant violés la loi de façon indépendante et ponctuelle, alors qu’ils font exactement la même chose de manière systématique.
La loi du salaire minimum a été établie sous le prétexte que les employés manquaient de jugement et les employeurs, de moralité. C’est que l’on sous-entend que les politiciens et les fonctionnaires sont d’un niveau moral supérieur : ils travaillent pour le public, ils sont progressistes, ils ne croient plus en Dieu mais en l’État, ils ne recherchent pas de profit, etc. Ils prétendent être seuls en mesure de déterminer ce que constitue un salaire minimum raisonnable pour tout le monde... et ils l’imposent et ils le violent.
L’imposition d’un salaire minimum ne soulève pas que des questions éthiques, mais également économiques. Payer des fonctionnaires pour faire en sorte que les employeurs se procurent une main-d’œuvre en deçà du salaire minimum constitue une dépense inutile, car employeurs et employés sont capables d’arriver au même résultat sans eux. Il n’y a pas de raison de croire que le jugement des fonctionnaires, qui établissent le salaire net en deçà du salaire minimum, soit supérieur à celui des employeurs, de sorte qu’il n’y aucune raison de continuer cette pratique.
Il ne suffit pas de retirer aux fonctionnaires la possibilité de négocier des salaires en deçà du salaire minimum, mais d’abolir celui-ci. La pratique des fonctionnaires, avec évidemment l’appui des politiciens, de permettre à plusieurs centaines d’employeurs de payer des salaires plus bas que le salaire minimum comble une demande. Les employés et les employeurs y trouvent leur compte, mais pas les contribuables. En abolissant le salaire minimum les employés et les employeurs continueront à y trouver leur compte, mais à eux s’ajouteront les contribuables et conséquemment les consommateurs.
La plupart des salaires répertoriés en deçà du salaire minimum s’y trouvent à moins de 30%. Considérant que la forte majorité des travailleurs ne reste jamais longtemps à ce niveau, il n’y a pas de raison de ne pas l’abolir. Réduire son prix pour obtenir une première expérience ou réintégrer le marché du travail après une longue absence est dans l’ordre des choses.
Pour déterminer le pouvoir d’achat on ne doit pas évaluer uniquement le salaire, on doit également évaluer ce qu’il peut acheter. Si la productivité augmente grâce à l’augmentation du nombre de travailleurs, alors le pouvoir d’achat augmente pour tout le monde. Ce pouvoir d’achat peut augmenter en dépit d’un salaire plus bas, car une plus grande productivité tend à réduire les prix des biens économiques. Cela s’avère d’autant plus vrai qu’un nombre plus élevé de travailleurs réduit également les charges sociales que les contribuables doivent payer. En d’autres mots, l’abolition du salaire minimum constitue un double gain pour l’ensemble de la société : coûts à la baisse et production à la hausse.
On doit se rendre à l’évidence, la loi du salaire minimum est tout en apparence et rien en contenu. Au Québec, les gouvernements ont pris l’habitude de l’augmenter le premier mai, Journée internationale des travailleurs, question de contribuer à la fête et de se donner bonne conscience. Plutôt que d’aider les plus pauvres, elle exclut des individus du marché du travail. Elle donne de l’emploi aux fonctionnaires plutôt qu’à ceux qui en ont véritablement besoin.
Le gouvernement donne des leçons de morale aux autres, alors qu’il viole lui-même la loi. S’il s’agit d’ignorance, il devrait le reconnaître et corriger la situation non pas en interdisant aux fonctionnaires d’offrir aux employeurs des salaires en deçà du salaire minimum, mais en abolissant ce dernier. Il devrait en être ainsi, car le salaire minimum réduit le pouvoir d’achat pour tout le monde, les avantages qu’en retirent les bénéficiaires n’étant que passagers. S’il s’agit d’hypocrisie, alors cette pratique doit être dénoncée.