Le pilotage du développement en France dans les années 50 et 60 a souvent été décrit comme technocratique, centralisé piloté par des élites parisiennes sans connaissance et sans intérêt pour les territoires. Dès les années 70, les élus locaux ont commencé à faire entendre leurs voix. Ce phénomène s'est accru dans les années 80 et 90. La première vague de décentralisation, lancée par François MITTERRAND en 1983 en est une traduction. Cela a abouti à un rôle de plus en plus marginal des services "techniques", apportant l'expertise dans la décision publique.
Cette expertise était considérée comme trop impersonnelle et prenait rarement en compte l'intérêt local. C'est justement ce que les élus locaux étaient censés représenter. Malheureusement, après une phase d'émergence de ce nouveau mode de décision, ses travers sont apparus. La sensibilité du politiques aux besoins strictement électoraux ont ainsi fait émerger des démarches trop locales, liées à des intérêts très "privés". Cette évolution n'allant qu'en s'amplifiant, l'issue ne pouvait être évitée : de nouvelles formes de représentation d'intérêts divers sont apparues (associations de consommateurs, de protection de l'environnement ...).
Mais auparavent, les élus locaux ont obtenu des pouvoirs de plus en plus forts dans la décision publique locale, ce qui les a amenés à tomber dans le travers de leurs prédécesseurs. Comme ils retiraient ce pouvoir des experts, il leur était de plus en plus difficile de faire appel à leur compétence pour assoir leurs décisions. La conséquence, dans les années 90, a été une incapacité de plus en plus grande à prendre des décisions : il existe toujours des groupes de pression s'y opposant.
Dans ce cadre, le peu d'expertise restant écoutée a été "utilisée", et une certaine opposition est apparue aux justifications techniques de certaines décisions pouvant être vécues comme arbitraires.
Parallèlement, face à cette montée en puissance des élus locaux et donc des collectivités territoriales, l'Etat (local) n'a pas su s'adapter : il s'est souvent muré dans un rôle d'édicteur de principes (qu'il n'applicait pas) et de donneur de leçons. Une majorité des préfets, de par leur formation, ont contribué à ce phénomène en évitant le seul rôle qui ne pouvait leur être retirer : la mise en cohérence des politiques publiques.
C'est dans ce contexte qu'il faut appréhender l'émergence des nouveaux modes de gouvernance prévus par le Grenelle de l'Environnement. La réussite de leur mise en oeuvre est conditionnée à leur prise en compte par des acteurs qui ont toujours refusé de partager le pouvoir, quand ils n'ont pas refusé de lacher un pouvoir qui leur était retiré par la loi.