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Sanctionnons les redoublements !

Publié le 22 février 2011 par Copeau @Contrepoints

On le sait maintenant de source sûre : à l’école, le bisounours n’aime pas les notes. On apprend à présent qu’il n’aime pas non plus les redoublements. Pas de doute, éduquer ses enfants en France va devenir de plus en plus douillet !

C’est donc de façon fort discrète, au détour d’un petit article passé relativement inaperçu au milieu des tempêtes médiatiques actuelles, concernant au mieux les changements profonds que vivent les populations du Maghreb, au pire les petites poussées électoralistes strausskahniennes, qu’on apprend que les clapiers à élèves collèges du Calvados qui ont beaucoup de redoublants se voient attribuer moins d’heures d’enseignement pour la rentrée 2011 que les autres, afin de les inciter … à réduire le nombre de redoublements.

Apparemment et de source syndicale (à prendre donc avec des pincettes), ce serait au-delà de 2,5% que le taux de redoublement serait jugé excessif au point de générer un « malus ».

2.5%, voyez-vous, ça ne fait pas lourd. Dans une classe de 40 élèves, cela fait exactement 1 élève.

Notez que 40 est justement le nombre d’élèves fréquemment constaté par classe, sachant que la moyenne théorique à 22 élèves permet de s’interroger immédiatement d’un « Mais où sont passé les locaux ou les profs manquants ? » qu’on oubliera aussitôt puisqu’en socialie, les explications simples (comme l’absentéisme, les locaux mal fichus et les organisations d’emploi du temps fantaisistes) sont rapidement écartées au profit d’un vibrant débat de société sur la place de la culture, de la citoyenneté, d’une troisième langue et de l’aptitude motrice à mouler des cakes dans l’enseignement chez les moins de 12 ans.

Education

Quand on y pense, c’est plutôt chouette, ce système : un seul élève à redoubler au maximum par tranche de 40 élève, ça donne une vraie latitude à tous ceux qui n’auront pas cette chance d’expérimenter des voies alternatives d’occupation pour branleurs déresponsabilisés en pleines crises d’hormones.

Oh là oui je sais, je suis méchant méchant méchant. Le libéral qui ne fait pas que sommeiller en moi vient d’écrire que ceux qui ne pourront pas redoubler vont se retrouver à faire de longs stages de poterie et de macramé pour occuper leurs après-midis entre septembre et juin en attendant leurs 16 ans et je sais, dit comme ça, cela peut choquer le bisounours un peu blasé qui sera venu lire ces lignes en s’attendant à des remarques à la fois gentilles, apaisantes et constructives.

Bah non.

La vie n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais un long fleuve tranquille de sirop dans une vallée de chamallows, une épopée douce et joyeuse aux coins arrondis par le patin régulier d’un papier de verre fin, citoyen et démocratique contre toutes les aspérités saillantes produites par l’autre, l’adverse et l’opposé.

Il y a un moment où il faut secouer le bisounours. Il y a un moment où il devient absolument nécessaire de le mettre face à ses contradictions, face à la réalité, aussi laide soit-elle, pour qu’il sorte de son rêve. Et pour dire les choses clairement, il y a un moment où il faut expliquer aux gentils nigauds qui imprègnent l’air du temps de leurs réflexions lénifiantes que oui, le système scolaire est totalement pourri, par la tête et par la base et il ne pourra pas prétendre longtemps encore asperger également d’un savoir de plus en plus hétéroclite un flot varié de têtards imbus d’eux-mêmes et plus ou moins volontaires.

Le système est bel et bien pourri par la tête : c’est assez clair lorsqu’on voit à quel point les élites qui nous gouvernent font absolument tout et n’importe quoi pour faire passer leurs lubies comme des idées grandioses de gestion de leur maroquin.

Il semble aussi évident que sanctionner les redoublements doit bien plus à une logique comptable qu’à une logique pédagogique. Et de façon générale, à bien regarder les actions désordonnées menées dernièrement par les pontes en charge de l’Éducation Nationale, on en déduit que si c’était un animal, ce serait un coq : crête d’autant plus rouge qu’elle est pilotée par un taux de testostérone élevé et QI à peine suffisant pour assurer sa survie.

Mais le système est aussi pourri par la base, qu’on n’a eu de cesse de protéger, bien au-delà du raisonnable, de l’influence pourtant salvatrice de la réalité : élèves perdus, démotivés et incapables de s’organiser si ce n’est dans des mouvements politiques aussi grotesques que déplacés, parents déresponsabilisés aux coudées trop franches intervenant pour tout et n’importe quoi et surtout n’importe comment, profs bercés de l’illusion tenace d’un statut de profession qui disparut aussi vite que l’autorité qui allait avec fut dissoute dans les mouvements sociaux des années 60 et 70, administratifs et fonctionnaires auxquels on aura fait avaler couleuvres sur couleuvres compensées par des zacquis sociaux de plus en plus décalés pour une institution dont la puissance n’est plus dans des succès quantifiables mais uniquement dans sa taille…

Quand on y regarde à deux fois, cette histoire de sanction des collèges qui font trop redoubler est dans l’alignement parfait de ce qu’on observe depuis quelques années concernant l’instruction en France : la déliquescence progresse de plus en plus vite.

Les solutions sont connues et sont mêmes appliquées par ceux des parents qui ne veulent plus laisser à l’État le soin de formater leurs gamins : explosion des cours particuliers, passage massif du public vers le privé … On assiste, en pratique, à une privatisation rampante mais évidente du système éducatif. Et, de façon logique, ce sont les parents qui sont prêts à faire les plus gros sacrifices (financiers, essentiellement) ou ceux qui ont les plus gros moyens qui en bénéficient en premier.

Encore une fois, plus on collectivise, plus on applique le socialisme joyeux, plus les pauvres trinquent.

On peut pleurnicher sur le méchant marché qui ne fait rien qu’à embêter l’Éducation Nationale, et continuer à se battre inutilement contre des forces qui dépassent de loin les moyens d’un état exsangue et complètement à la masse tant son idéologie ne lui permet pas d’appréhender le monde correctement.

On peut s’entêter, comme le coq borné dans son poulailler déserté, à chanter à qui voudra l’entendre qu’on est encore une référence, et appliquer toujours les mêmes recettes collectivistes, bardées d’études sociologiques au jargon déridesque ou iufèmesque, qui mèneront à la même déroute constatée depuis 40 ans.

On peut aussi comprendre qu’il est plus que temps d’abandonner, réellement, les vieilles lubies qui n’ont pas marché : collège unique, carte scolaire, méthode globale, conseils de classe faisant intervenir élèves et parents, multiplicité des cours rigolos et créatifs, programmes décidés d’en haut et en petits comités, non concurrence et absence d’autonomie des établissements tant sur le plan budgétaire que pédagogique, … La liste est longue.

Il est temps, pour tout cela, d’arrêter les expériences pilotes microscopiques.

Il est temps qu’on en revienne à l’individu, celui-là même qui devrait être au centre de l’apprentissage, le responsabiliser en lui faisant assumer le coût de son instruction, éviter de le surprotéger des méchantes notes et des méchants redoublements pour lui faire comprendre que non, tout le monde ne vaut pas une entrée en fac pour devenir conservateur de musée, non, la voie royale n’est pas plus les maths que le latin ou que sais-je, que oui, c’est à chacun de choisir sa propre voie, que non, imposer l’instruction et un âge minimum pour quitter l’école est aussi inutile que délétère.

Mais rassurez-vous, petits bisounours : ce que vous avez lu ici, vous ne le lirez probablement à peu près nulle part ailleurs. Personne, en France, ne veut l’entendre. Personne ne veut y penser. Tout le monde préférera cracher sur les méchants libéraux plutôt qu’écouter ce qu’ils ont à dire.

Et à partir d’ici, petits bisounours, vous allez pouvoir vous rendormir, refermer le couvercle de votre joli cercueil capitonné et moelleux pour traverser en douceur les prochaines années de déchéance.

Bonne nuit.

Attention cependant : le type à côté de vous, dans le cercueil, n’est pas bien luné et il a de longues canines.
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