Ce devait être un soir de fête pour les époux, mais ce fut une soirée de cauchemar. La dernière : dans un crissement de freins sous la pluie, Daniel Garner perdit tout et devint une âme errante dans la solitude du purgatoire… Mais un émissaire des cieux lui donna une chance de tout retrouver : si Daniel parvient à tuer les quatre généraux de Lucifer afin d’approcher le Prince des Ténèbres lui-même pour l’assassiner à son tour, on lui rendra la vie comme sa femme, en plus de lui réserver une bonne place au paradis.
Un pacte facile à accepter, mais beaucoup moins à honorer…
En parallèle des FPS « réfléchis » – ou prétendus tels – qui commencèrent à s’approprier le genre à la charnière des deux siècles, des titres sortirent qui avaient pour seul credo de revenir aux racines des jeux de tir subjectifs : de l’action et du fun. Parmi les productions les plus emblématiques de cette volonté d’un retour aux sources, Serious Sam : Premier Contact (Croteam ; 2001) fait figure de référence dont le culte reste vivace ; compte tenu des similitudes qu’entretient ce titre avec le leur, j’en déduis que c’est cet exemple que suivirent les polonais de People Can Fly quand, une fois installés dans la ville de Warsaw, ils s’attaquèrent à leur premier projet : Painkiller.
Hélas, celui-ci s’avère bien plus indigeste que Serious Sam…
Car si Painkiller s’affirme bien « old school », il évoque trop souvent une régression plus qu’un hommage. En fait, c’est précisément parce qu’il pousse le bouchon de l’action et du fun jusque dans ses derniers retranchements que Painkiller finit par lasser. Si certains louèrent la volonté affichée des développeurs de proposer un enchaînement de niveaux sans logique ni cohérence, et encore moins de scénario, dans le seul but de laisser le plus de place possible au pur plaisir de jeu, force est de constater que celui-ci ne dépend pas que de l’action : il dépend aussi, du moins pour une catégorie de joueurs, d’une certaine immersion dans l’univers du jeu.
Or, cette immersion s’avère inexistante, justement parce que les niveaux se suivent sans se ressembler d’aucune façon en perdant ainsi cette continuité logique, cette cohérence qui fait les univers. Au contraire des grands titres du genre qui l’ont précédé, tels que Doom et ses suites (id Software ; 1993-1996), Duke nukem 3D (3D Realms ; 1996) ou la série des Quake (id Software ; 1996-1999), entre autres productions, Painkiller n’a ni queue ni tête : les niveaux se succèdent dans un ordre qui semble complétement aléatoire et qui au final empêche d’entrer dans l’aventure par l’impossibilité pour le joueur de ressentir une évolution quelconque de l’environnement. Par moment, d’ailleurs, on a presque l’impression de faire du deathmatch contre des bots…
À ceci s’ajoutent des défauts plus ou moins mineurs mais néanmoins bien réels. Comme par exemple un moteur physique si abouti qu’il fait du moindre objet ou corps un véritable obstacle qu’il faut sauter pour éviter de s’y empêtrer, et vu que vous massacrez les ennemis par dizaines… Mais on peut aussi citer le ramassage des âmes des ennemis tués ou bien des pièces d’or cachées dans certains éléments du décor : ces objets donnent divers bonus mais, une fois mis à découvert, ils ne restent qu’un certain temps sur le niveau, et en général vous avez rarement la possibilité d’en ramasser le nombre requis dans le temps imparti pour en tirer tout leur jus…
Néanmoins, Painkiller reste un titre au potentiel technique et artistique très abouti, notamment dans la qualité et la variété de ses décors comme de ses architectures, et en particulier pour ses textures d’excellente facture que complimente à merveille un éclairage de très bonne qualité. On peut aussi citer la musique d’ambiance qui rappelle beaucoup la série des Quake, et surtout son second opus, ainsi que l’atmosphère sonore dans sa globalité. Pour l’adéquation entre son thème et son exécution, le tout dernier niveau du jeu reste une des plus belles réalisations du domaine, tous genre confondus : jamais jusque-là les Enfers n’ont été aussi bien retranscrits.
Mais si ce dernier niveau du jeu vaut très largement le détour à lui tout seul, le chemin qu’il faut se frayer pour y arriver, à travers de telles erreurs de conception et d’équilibrage des divers éléments du jeu, rend hélas l’expérience bien trop pénible pour s’avérer vraiment recommandable, aux joueurs chevronnés comme aux novices. Si vous êtes du style maso, par contre, vous y trouverez votre bonheur…
Maintenant que j’y pense, c’était peut-être là l’intention des développeurs : tuer la douleur par… la douleur.
Notes :
Le moteur qu’utilise Painkiller est une technologie propriétaire du studio People Can Fly. Seul le moteur physique Havok 2 a été licencié pour le développement du titre.
Une extension intitulée Painkiller: Battle out of Hell sortit en 2004 en reprenant le récit là où il s’arrêtait dans l’opus précédent, mais cette continuation n’est pas considérée comme une séquelle pour autant.
En 2006, le jeu sortit sur Xbox sous le titre Painkiller: Hell Wars : celui-ci ne se résume pas à un simple portage mais propose une sorte de combinaison entre le jeu original et son extension Battle out of Hell. Bien qu’annoncée sur Playstation 2 et PSP, ces versions furent ensuite annulées.
L’année suivante sortit Painkiller: Overdose : au départ un mod développé par Mindware Studios, ce spin off se vit offrir un support financier et technique complet et devint ainsi un nouveau titre à part entière ; il met en scène un héros mi-ange mi-démon du nom de Bélial en quête de vengeance.
Un autre spin off, Painkiller: Resurrection, sortit en 2009 sur PC et permettait de jouer un troisième personnage, William « Bill » Sherman, à travers une autre aventure proposant plusieurs fins différentes.
Enfin, une dernière extension, Painkiller: Redemption, elle aussi au départ un mod, a été annoncée pour ce 25 février – en téléchargement uniquement. On pourra y jouer Daniel ou Bélial.
Painkiller fut choisi en 2004 par la CPL comme titre sur lequel disputer des matches de compétition, avant de se voir remplacer par Quake III Arena deux ans plus tard.
Painkiller
People Can Fly, 2004
Windows & Xbox, env. 6€ l’édition originale simple