Photographie 1 : Paysage avec l’embarquement de sainte Paule à Ostie de Claude Lorrain (vers 1600 – 1682). 1639-1640. Huile sur toile de 211 x 145 cm. Madrid, Museo Nacional del Prado. © Museo Nacional del Prado.
Les Galeries nationales du Grand Palais à Paris présentent du 9 mars au 6 juin 2011 une
exposition organisée par la Rmn (Réunion des musées nationaux), intitulée : Nature et idéal : le paysage à Rome
1600–1650 Carrache, Poussin, Le Lorrain …
La peinture de paysage est un art particulièrement
florissant dans l'Europe du XVIIe siècle qui s'adonne à un certain hédonisme pictural. Le foisonnement des natures mortes en est un autre exemple : bouquets de fleurs, paniers
de fruits, tables approvisionnées etc. Certains artistes se spécialisent dans cette peinture où on cherche à figer l'émotion épicurienne de l'instant et des sens volatils. A cette époque des
libertins, nombres de peintures et autres gravures représentent les cinq sens sous la forme de métaphores, avec par exemple une dame à sa table de toilette pour représenter la vue, un jardin pour
l'odorat, une table achalandée pour le goût, des musiciens pour l'ouïe, un baiser pour le toucher.
Parfois le paysage est le sujet même de la peinture. Il peut être très humanisé comme dans L’embarquement de sainte Paule à Ostie (photographie 1)
de Claude Lorrain (1600-1682) dominé par l'architecture. Ce qui surprend surtout c'est la lumière qui se dégage des paysages de cet artiste. Celle-ci en est le plus souvent le thème majeur, le
personnage principal. Dans cette peinture les couleurs de l'arc-en-ciel se déploient de bas en haut dans la profondeur des formes pour se centraliser dans la lumière même du soleil d'où tout
semble venir et aller.
Photographie 2 : Paysage avec les funérailles de Phocion de Nicolas Poussin (1594 – 1665). 1648. Huile sur toile. 117.5 x 178 cm. Collection particulière. © National Museum of Wales, Cardiff.
Les personnages, même mythiques ou héroïques, peuvent ne devenir qu'une composante du paysage comme dans le tableau de Nicolas Poussin (1594-1665) représentant les funérailles de Phocion. Mais le lieu est ici très humanisé avec ses routes, sa ville, ses activités humaines, et la mort autre résultante de la vie qui bien que d'un grand personnage n'a que la faveur d'un premier plan parmi les multiples petites scènes actives ou immobiles qui forment l'harmonie du tableau à la manière de notes de musiques sur une portée, dans une manière particulière à Nicolas Poussin, dont on cherche dans la peinture vainement le secret de cette ordonnance à la manière qu'on le fait de celle de la vie. Le paysage c'est cela : le mystère de la création ou de la vie de l'homme dans son environnement. Ajoutons quelques mots sur Phocion (402 - 318 av. J.-C.). Plutarque écrit qu'avant de boire la cigüe, celui-ci constate qu'un de ceux condamnés avec lui se lamente. « Et alors, dit le grand homme, tu n’es pas content de mourir avec Phocion ? » (voir ici la Vie de Phocion d'après Plutarque). Cette anecdote dénote un humour qui couronne sa sagesse. Malgré sa réputation d'homme vertueux, Cornélius Népos nous explique en 34 avant J.-C. : « La haine de la multitude contre lui fut si forte, qu’aucune personne libre n’osa lui rendre les derniers devoirs. Il fut donc enseveli par des esclaves. » (Wikisource). C'est cet épisode qui est décrit dans cette peinture de Nicolas Poussin, dans une atmosphère où, avec subtilité et sensibilité, est expliqué comment la mort, ou la vie, emporte même l'homme vertueux. Pourtant la vertu dans ce dernier renoncement laisse une 'impression' qui est celle de ce tableau : un paysage où chaque chose et chaque être ont leur fonction dans l'instant. C'est peut-être cette compréhension qui est la vertu.
Dans la peinture suivante qui est aussi de Nicolas Poussin : Bacchanale à la joueuse
de guitare, le paysage est en second plan, la scène bacchique étant le sujet principal. On note de façon plus explicite ce que j'ai dit sur l'harmonie propre à ce peintre, avec les
personnages, les formes et les couleurs qui sont autant de notes picturales sur la portée musicale de ce tableau où la guitare accompagne les rythmes dionysiaques que le vin suscite.
Photographie 3 : Bacchanale à la joueuse de guitare de Nicolas Poussin, datant de vers 1627-1630. Il s'agit d'une huile sur toile de121 x 175 cm conservée à Paris, au
Département des Peintures du Musée du Louvre. © service presse Rmn-Grand Palais / Daniel Arnaudet.