Le formidable mouvement de libération des consciences et des individus qui se produit actuellement dans les pays arabes, un véritable exemple pour nos démocraties molles totalement engoncées dans un modèle libéral castrateur, est aussi une source d’instabilité et d’incertitude sur l’avenir des équilibres figés souhaités par le libéralisme dominant dans les pays dits développés.
Chacun sait d’abord à quel point nos pays européens, notamment, profitent des ressources des sous-sols des pays arabes, raison essentielle de la satisfaction de pouvoir traiter avec des dictateurs qui musèlent leur peuple et ont ainsi permis 50 ans de stabilité en matière de pillage des ressources naturelles depuis les guerres d’indépendance. A part la caste au pouvoir dans chacun de ces pays, les peuples n’ont jamais vu le moindre bénéfice dans leur quotidien de ces exploitations de richesses.
Cette incertitude qui pèse sur l’avenir de ces désormais démocraties en construction peut remettre totalement en cause les hégémonies capitalistiques actuelles, un meilleur partage des richesses n’étant pas souhaité par ceux qui se sont gavés pendant des décennies.
Mais l’autre danger pernicieux à moyen terme pour les chantres du libéralisme est plus structurel et pourrait remettre en cause les équilibres du partage des richesses dans nos propres pays développés.
En effet chacun sait que la lutte contre l’immigration, magrébine notamment, est d’une vaste hypocrisie aux fondements uniquement électoralistes tant cette main d’œuvre à bas prix sert les intérêts de pans entiers de l’économie tels la restauration, le bâtiment ou encore celui des infrastructures routières. C’est cette immigration souvent occulte qui contribue à tirer vers le bas les salaires, en France en particulier, nombreux étant les employeurs à vouloir exploiter au noir de la main d’œuvre pas chère. Cet afflux de main d’œuvre contribue aux tensions sur le marché du travail au bénéfice des capitalistes et a joué dans le basculement du partage de la création de richesse en faveur du capital ces 30 dernières années.
Or à terme, et c’est tout ce que l’on peut espérer pour ces peuples, maintenant que les richesses de certains pays ne seront plus accaparées par une petite caste au pouvoir, ils vont pouvoir se développer beaucoup plus vite qu’auparavant, nécessitant une main d’œuvre accrue et permettant, grâce aux libertés gagnées, aux peuples de travailler dignement dans leur pays sans avoir besoin de fuir leur misère quotidienne doublée d’une privation de liberté constante.
Cette chance qui s’ouvre pour les populations magrébines représente également une chance pour les salariés de nos pays développés qui vont pouvoir inverser le rapport de force avec le capital en devenant un outil de travail raréfié et donc plus à même d’imposer ses conditions salariales.
C’est l’un des fondements des inquiétudes de ceux qui prônent un libéralisme décomplexé, ils sont bien conscients des risques collatéraux engendrés par la libération des peuples dans des pays voisins. Voilà pourquoi tant de frilosité indécente s’affiche dans les discours gouvernementaux par ceux qui pendant si longtemps ont croqué dans la pomme financièrement juteuse de dictatures soutenues implicitement.
Notre avenir dépends donc de celui des pays magrébins et de tous les peuples qui en Afrique décideront de prendre leur destin en main, parfois au sacrifice de leur vie.
Nous devrions les soutenir de façon inconsidérée mais le cynisme des possédants n’est même pas capable de cette dignité là.