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Jérôme Denis, David Pontille, "Petite sociologie de la signalétique. Les coulisses des panneaux du métro", Paris, Presse des Mines, 200 p., Bibliogr. 19 €.
La ville, et dans la ville, le métro, nous font errer dans une forêt de signes, des réseaux de symboles et de textes. Sans eux nous serions perdus, et souvent nous le sommes, malgré eux ou à cause d'eux. Ce livre est issu d'une étude systématique des signes du métro parisien, des "coulisses" de sa signlétique. Le point de départ en est une enquête ethnographique (entretiens avec des agents, photos, "voyageurs mystères", etc.). Particulièrement intéressant, le conflit entre publicité et signalétique, bataille pour l'attention des usagers : ce conflit qui s'estompera si la publicité est restreinte aux écrans ; la confusion est notamment sur-déterminée par les opérations publicitaires mises en oeuvre hors du cadre traditionnel des panneaux (adhésivage, par exemple).
La sémiologie du métro, sa charte graphique et sa compréhension opérationnelle par les usagers, est invisible aux habitués, mais indispensable pour les autres (usagers irréguliers, égarés, touristes, etc.). Les auteurs étudient la géosémiotique qui fait intervenir l'emplacement de la signalétique son environnement dans sa lecture et qui complique la mise en place des automatismes perceptifs chez les usagers.
Travail minutieux, attentif aux détails et à la globalité du champ de communication que constitue le métro. Ce qui a été réalisé pourrait sans doute être appliqué à la circulation dans un site Web, à la recherche d'une émission dans un guide de programmes TV, à la recherche d'un produit dans un hypermarché ou d'un service dans un centre commercial, dans un aéroport. On ne peut se départir, en lisant ce travail, de l'idée que les usagers s'ils étaient adéquatement mobilisés contribueraient à la gestion de cette signalétique : pour relever des anomalies, la RATP pourrait faire appel à ses usagers qui reporteraient leurs observations par photographies, crowdsourcing qui compléterait et enrichirait les observations des enquêtes de tous ordres. Seuls ceux qui se perdent savent où ils sont et ce qui leur aura manqué pour se trouver là où ils voulaient être. Traiter le métro comme un chapitre du grand livre du monde est une bonne idée, surtout si l'on se souvient que le corps est géomètre.