Magazine Psycho

LES CAUSES de la SCHIZOPHRÉNIE

Publié le 21 février 2011 par Darouich1

On dit actuellement de la schizophrénie que c'est une "affection multifactorielle". C'est une manière, parmi d'autres possibles, de quelque peu masquer notre ignorance et, tout simplement, de ne pas avouer que ces causes nous sont en réalité encore inconnues (printemps 2006).

De nos jours, une très large majorité des professionnels orientent leurs hypothèses les plus plausibles et probables vers des causes génétiques et des causes développementales 1 qui, d'ailleurs, peuvent être liées. Elles peuvent provoquer des altérations biochimiques et structurelles dans notre organisme, et nous commençons seulement à détecter quelques unes de ces altérations. Celles-ci, à leur tour, entraînent des anomalies du développement à la fois structurel et fonctionnel de notre cerveau, qui se manifesteront par des troubles du fonctionnement de celui-ci.

Les altérations fonctionnelles du cerveau ne se manifestent que par des troubles des perceptions sensorielles dont les patients parfois (mais pas toujours) se plaignent, ou encore par des troubles de la pensée, de l'humeur et du comportement, mais ne produisent pas de "signes" matériels directement observables ni mesurables, comme on pourrait les observer à la suite d'altérations de n'importe lequel de nos autres organes.

Par conséquent, faute de disposer des moyens techniques d'investigation qui auraient permis "d'aller voir" ce qui se passe sous notre crâne quand nous percevons, éprouvons, pensons, agissons, etc., la psychiatrie, à ses débuts et pendant encore longtemps ensuite, en a été réduite à construire des concepts purement hypothétiques tentant d'expliquer nos fonctions mentales tout aussi bien "normales" que "pathologiques". Ce manque de moyens semblait autoriser et encourageait les psychiatres de tendance "spiritualiste" (ceux qui font du cerveau et de l'esprit des entités, des "choses" distinctes) à ne voir dans les "maladies" mentales que des "désordres de l'âme" ou des "troubles de l'esprit" dépourvus de tout support matériel, et à récuser obstinément toute possibilité d'anomalies cérébrales matérielles (dites "organiques") à l'origine de ces troubles. Pareille attitude est encore largement répandue, non seulement dans le grand public des profanes, mais aussi chez de nombreux professionnels de la "santé mentale".

Une des difficultés auxquelles on se heurte pour identifier les gènes responsables, c'est que d'une part ils sont multiples, d'autre part "la" schizophrénie n'est pas une maladie mais un syndrome, c'est-à dire une construction artificielle à partir de pièces détachées regroupées plus ou moins arbitrairement (les signes et les symptômes), on ne sait jamais si "la" schizophrénie observée chez un malade donné est bien la même que celle observée chez un autre. Schizophrénie: une seule maladie? Une psychose distincte des autres, aux gènes toujours les mêmes, eux aussi, et distincts?
D'éminents psychiatres ont admis le côté aléatoire des distinctions entre psychoses décrétées différentes. En effet, ces distinctions ne sont basées que sur l'intuition généralement répandue, qui voudrait que des altérations de l'humeur, comme par exemple la maniaco-dépression (les troubles bipolaires), soient d'origine très différente de celles des "altérations de la pensée" telle la schizophrénie: parce que, en effet, ces affections se manifestent à nous de manières que nous ressentons comme différentes. N'oublions surtout jamais que les différences observées sont subjectives, elles ne portent en fait que sur les manifestations apparentes, extérieures, finales pourrait-on dire, celles qui nous sont accessibles. Rien de tangible, rien d'objectif ne peut en être sérieusement déduit quant aux origines véritables et à la nature des troubles mentaux constatés. Rappelons ici ce que disaient des dysfonctionnements cérébraux les psychologues U.S. Sally P. Springer et Georg Deutsch: «To assume that similar symptoms always result from the same cause is to grossly oversimplify the intricacies of human brain-behavior relationships.» ("Left Brain, Right Brain", W.H. Freeman & Co, New York 1998, p. 288. ISBN 07167-3110-X): "Croire que des symptômes semblables ont toujours pour origine les mêmes causes est une simplification excessive des relations entre le cerveau humain et le comportement." Autrement dit, il n'est pas encore possible aujourd'hui de remonter à coup sûr des troubles observés (de pensée, d'humeur, de comportement, etc.) aux défauts biologiques cérébraux qui leur ont donné naissance.

Sans se lancer dans des considérations philosophiques ou métaphysiques, on peut dire aujourd'hui que les altérations du fonctionnement du cerveau des malades schizophrènes sont un fait scientifiquement bien établi et bien documenté grâce aux techniques actuelles, parmi lesquelles l'imagerie médicale et les techniques sophistiquées d'électroencéphalographie par potentiels évoqués (électroencéphalographie assistée par ordinateur). On sait aussi que ces troubles fonctionnels s'accompagnent d'anomalies cérébrales bien matérielles, c'est-à-dire concrètes, qui touchent de préférence certains territoires du cortex cérébral.

Il est bien établi à présent et on peut donc affirmer avec force que, contrairement à ce qui a été soutenu pendant près d'un siècle, la maladie n'est due ni à des mauvais traitements pendant l'enfance, ni à une mère "schizophrénogène", trop permissive ou, au contraire, trop autoritaire, ni à l'absence du père ou, au contraire, à son autorité excessive. Des conflits psychologiques, parentaux ou autres, au sein de la famille ne sont pas non plus responsables de la maladie. Rien n'autorise donc à accuser les parents d'un comportement fautif prétendument responsable de la maladie.

Des lésions cérébrales, les amphétamines, le LSD, le cannabis et d'autres substances chimiques peuvent provoquer l'apparition de signes et symptômes dont certains se retrouvent dans la schizophrénie. On devrait rappeler aussi qu'à l'époque de la mode "psychédélique" aux U.S.A. dans les années 1950 et 1960, une drogue chimique y a connu une certaine vogue: c'était la phéncyclidine ou "angel dust" ("poussière d'ange"), qui conduisait à un syndrome rappelant, par beaucoup d'aspects, certaines formes de schizophrénie. Ces observations démontrent à suffisance l'importance des influences matérielles (pas "psychologiques"), toxiques et biochimiques sur le fonctionnement de notre cerveau et donc sur nos fonctions mentales.
De même, on sait qu'on retrouve, en moyenne, 5 fois plus de malades schizophrènes parmi les consommateurs chroniques de doses importantes de cannabis que dans le restant de la population (et deux études récentes, l'une anglaise, [Henquet, C. & al., BMJ., doi:101136/bmj.38267.664086.63], l'autre néo-zélandaise [D.M. Ferguson & al., Addiction 100 (3), p.354, 2005], ont bien démontré le rôle favorisant de la consommation de cannabis sur l'apparition ultérieure d'une schizophrénie).

Certains "professionnels" nous présentent aujourd'hui ce qu'ils appellent une "théorie nouvelle" qui donnerait les "causes" et expliquerait la schizophrénie: c'est ce qu'ils dénomment pompeusement le modèle "vulnérabilité-stress" 2. Ce ne sont en réalité que deux mots accolés qui n'apprennent rien à personne.

Aucune des nombreuses "théories psychologiques" 3 élaborées jusqu'à présent pour "expliquer" la schizophrénie n'a jamais abouti à un traitement couronné de succès et n'a jamais pu recevoir ne fut-ce qu'un début de confirmation scientifique. Par contre, beaucoup de ces théories ont d'abord fait naître de faux espoirs chez les malades et leurs proches, à qui il a fallu ensuite déchanter. D'autres parmi ces théories ont encore aggravé les détresses qu'elles prétendaient soulager, en voulant à toute force trouver des responsables ("coupables") au sein des familles.

Nous disposons de preuves scientifiques irréfutables que la schizophrénie comporte des causes en partie génétiques:

  • alors que la prévalence (la fréquence) de la schizophrénie dans la population générale est de l'ordre de 1%, par contre lorsqu'un parent au premier degré est atteint de la maladie, - père, mère, frère, soeur -, le risque 4 pour les autres frères et soeurs monte à 10%
  • Lorsque les deux parents sont malades, le risque encouru par leurs enfants est de 40 à 45%
  • Lorsqu'un faux jumeau est atteint de la maladie, l'autre jumeau encourt un risque de 10 à 15%
  • Quand une tante, un oncle, un neveu ou une nièce est atteint, le risque pour les autres membres de la famille n'est plus que de 3%.
  • Quand un jumeau vrai (univitellin) est malade, l'autre encourt un risque qui monte à 30-50% (ce qu'on appelle la concordance). Le fait que ce risque ne se transforme pas, dans ce cas, en certitude (n'est pas de 100%) montre que le facteur génétique, s'il est bien nécessaire pour que la maladie se manifeste, ne constitue pourtant pas à lui seul une cause suffisante de la maladie. La constitution génique n'est pas un facteur déterminant rigide et inéluctable. D'autres facteurs, environnementaux cette fois-ci, devront être présents également pour que, sur ce terrain génétiquement prédisposé, la maladie puisse apparaître.

Les mêmes valeurs statistiques ont été retrouvées dans les études où les jumeaux vrais (issus d'un même ovule) ou bien les frères et soeurs tant atteints que sains, issus de parents malades étaient séparés et élevés dans des familles d'adoption (en bonne santé mentale, cela va de soi), montrant ainsi que l'influence des facteurs psychologiques familiaux sur la fréquence de la maladie était négligeable et qu'ils ne pouvaient être tenus pour une cause de la maladie.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Darouich1 166 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine