L'indésirable, Sarah Waters, Éditions Alto, 2010, traduit de l'anglais par Alain Defossé (Titre original : The Little Stranger)
Magnifique objet ainsi que magnifique lecture, L'indésirable, le dernier de Sarah Waters, entraîne le lecteur dans une histoire effrayante où parapsychologie et chronique sociale se côtoient.Le Dr Faraday exerce dans une petite ville du comté de Warwickshire, juste après la Seconde Guerre mondiale. Il est appelé à Hundreds Hall, un immense manoir autrefois richissime, désormais en totale déréliction, afin de soigner Betty, la domestique du domaine. Ce sera l'occasion pour lui de se lier d'amitié avec la famille Ayres, qu'il a déjà côtoyée alors qu'il était jeune enfant. Caroline et Roderick vivent désormais pauvrement avec leur mère et le chien de Caroline, Gyp. La fortune de la famille s'est envolée avec la guerre et ne permet plus de rénover cette bâtisse trop grande pour eux trois. À partir de là et sur plus de 500 pages, le Dr Faraday sera le témoin de phénomènes inexpliqués et dramatiques se déroulant à Hundreds Hall. Parallèlement à ce récit troublant, les liens entre le Dr Faraday et la famille Ayres se développeront au delà des conventions sociales de l'époque.
Sarah Waters, née au Pays de Galles en 1966, a été libraire et enseignante avant de se lancer dans l'écriture. Son premier roman, Caresser le velours (Tipping the Velvet) a eu un tel succès qu'il a été adapté pour la télévision anglaise (et les deux suivants également). Considérée comme une auteure de la littérature gaie et lesbienne, Sarah Waters s'est également - et surtout - intéressée à la vie londonienne au XIXème siècle (époque victorienne), puis à la Seconde Guerre mondiale et à l'après-guerre.Elle explore avec succès un nouveau style dans L'indésirable, et même si le récit peut comporter quelques longueurs, son roman côtoie tour à tour Dickens, Poe et Jane Austen...
Véritable chronique sociale de l'Angleterre de l'après-guerre, L'indésirable poursuit là où Ronde de nuit (son précédent roman) s'était arrêté : la portée dramatique de la Seconde Guerre mondiale et les drames personnels qui se jouaient dans Ronde de Nuit éclipsaient quelque peu la transformation sociale de l'Angleterre de cette époque. Dans L'indésirable, l'auteure met sur le même pied le côté fantastique et le côté social afin de développer toute la portée dramatique de son histoire. Si bien que même le lecteur se trouve confronté aux angoisses du narrateur, flirtant avec la folie...
Le vocabulaire est riche, et les descriptions d'Hundreds Hall absolument vivantes, faisant de la maison un personnage à part entière.
L'édition offerte par la maison Alto est un véritable bijou, nous donnant l'impression de feuilleter un vieux grimoire. Sa tranche non ébarbée ressemble à beaucoup de livres des éditions anglophones et lui confère une touche vieillotte.
Sarah Waters, avec L'indésirable, était en nomination pour le Man Booker Prize for Fiction 2009, pour la deuxième fois, après sa nomination en 2006 pour Ronde de nuit (The Night Watch).
Le site de l'auteure
L'article dans La Presse
L'article du Devoir
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