Jonathan Tropper, Perte et Fracas

Par Grazyel

J’ai achevé la lecture de Perte et Fracas cette nuit entre 23h et 2h, et je dois dire que les quelques pages qui me restaient à lire sont passées à une vitesse folle. Ce livre, du début à la fin, est palpitant, drôle, touchant, grand. Enorme coup de cœur !
Résumé : Doug a vingt-neuf ans et il est veuf. Sa défunte femme, Hailey, est morte dans un accident d'avion il y a deux ans. Depuis, Doug se noie dans l'auto-apitoiement comme dans le Jack Daniel's, et a pour seules activités le lancer de canettes de bière sur les lapins qui envahissent sa pelouse et la rédaction d'une chronique hebdomadaire " Comment parler à un veuf ". Nul doute qu'il se consacrerait à plein-temps à cette douleur si sa sœur despotique, son beau-fils en mal d'attention et son père sénile ne venaient le sortir de sa léthargie. Et que dire de sa voisine qui s'obstine à lui susurrer des mots cochons à l'oreille... Qu'il le veuille ou non, plus question de se couper des autres. Mais pour Doug, ce retour à la vie ne se fera pas sans perte et fracas.

Du même auteur :  Le Livre de Joe ; Tout peut arriver


Pertes et Fracas raconte donc l’histoire de Doug, un homme de 27 ans déjà veuf d’une femme plus âgée. Rongé par le chagrin, le personnage que l’on découvre au début du roman est anéanti, cynique, terrorisé par le temps qui passe. Il se complaît dans sa douleur, la chérissant plus que tout, parce que si elle s’en allait, à ses yeux ce serait la véritable mort de sa femme, Hailey.
Hailey avait d’ailleurs un fils, un adolescent assez turbulent, mais qui est une sorte de reflet de Doug. Car Russ souffre tout autant que son beau-père. Et je dois dire que je m’étais attendu à ce que ces deux personnages se haïssent, alors qu’au contraire, ils se reconnaissent et tiennent l’un à l’autre, sous des apparences assez particulières cependant.
J’avais déjà lu Le Livre de Joe et Tout peut arriver de Jonathan Tropper, avec Perte et Fracas, j’assure officiellement que cet écrivain est l’un des meilleurs que j’ai pu lire. Il sait faire rire, il sait faire pleurer et surtout, il trouve des images puissantes, des métaphores énormes et les mots qu’il choisit, ce sont les meilleurs, les plus intenses pour décrire la vie de ses personnages.
Ici, Doug peint le monde avec une ironie tranchante, une ironie blessante qui ne fait que refléter son côté meurtri. Il parle avec aisance de sa souffrance, et en lisant, on aurait presque l’impression qu’elle parvient à se matérialiser devant nous et que Doug est capable de la toucher, de la prendre dans ses bras, de la haïr, de l’aimer. Bref, c’est grandement écrit.
De toute manière, je l’avais déjà dit, mais je le redis encore aujourd’hui : Jonathan Tropper est un modèle à mes yeux. J’admire son talent, sa franchise et la façon dont il arrache des larmes et des sourires au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture. En lisant cet auteur, on ne s’approprie pas une vie, on la ressent à notre tour. Pour moi, cet écrivain est exceptionnel, et j’aimerais tellement pouvoir le lire en VO pour justifier cet avis que j’ai sur lui…
Pour ce qui est des autres personnages du roman, je dirais qu’ils sont tout aussi bien représentés que le héros : à commencer par Russ, mais aussi Claire (la jumelle de Doug) qui a un caractère bien trempé et parvient à secouer son frère au bon moment. Les parents de Doug sont eux aussi impressionnants, Stephen est touchant, Jim est à baffer. Pour ce qui est de Laney, elle est quelque peu ridicule et tient bien le rôle de la « femme au foyer désespérée ». Et l’autre personnage ultra touchant que l’on rencontre, c’est l’alter ego féminin de Doug, Brooke, et Brooke est géniale. Brooke est un peu comme un pansement qui est déchiré mais qu’on met quand même parce qu‘il soulage. Bref, elle m’a fait craquer et apporte sa dose d’espoir, elle aussi.
Quoiqu’il en soit, toutes les petites manies des personnages sont décrites avec intérêt. Chaque geste, chaque parole est un élément qui mène à comprendre pourquoi Doug pense ainsi et pourquoi les événements se produisent de cette manière. Mais surtout, cela explique pourquoi Doug est sur le point d’arriver à une sorte de renaissance. Son changement se produit d’une façon remarquable.
Dans l’ensemble, ce livre pourrait se lire en un coup tellement il est prenant. Certes, il y a parfois quelques longueurs, mais je pense que ça donne aussi un équilibre au livre. J’aurais trouvé ça bizarre que Doug puisse tourner la page sur la mort de sa femme, ça aurait réduit l’ampleur du livre, parce que quelque part, même si c’est le récit d’une résurrection (et ce pour plusieurs personnages), c’est aussi l’immortalisation de Hailey qui est écrite.
Je ne pense pas en dévoiler de trop en parlant ainsi. Du moins, je n’espère pas. Tout ce que je peux dire pour conclure, c’est : tentez l’expérience, lisez Perte et Fracas et vous verrez... Vous verrez plein de choses.

Verdit : 10/10


(fiche Livraddict)