Une fois de plus les images du monde nous foudroient.
Ici en France, comme je l’ai vu sur les télévisions américaines depuis un mois, le monde arabe s’impose comme le nouveau lieu d’ébranlement de la planète. Tous les jours, depuis le drame de ce jeune homme tunisien qui s’est immolé par le feu, la révolte, la colère des peuples font la une de l’actualité. Après la Tunisie et l’Egypte qui ont eu raison de leurs dirigeants, c’est en Lybie, au Yémen, à Bahrein, en Iran que les foules défient la répression, affrontent les balles à mains nues, et enterrent leurs morts. Aujourd’hui même ça bouge en Algérie, et on manifeste au Maroc.
Face à ces bouleversements, les analyses sont encore sommaires. Quelle lecture faut-il faire de ces révoltes en cascade? Y a-t-il seulement une unité dans ces mouvements, autre que celle de populations pauvres et oppressées par des régimes dictatoriaux et corrompus? Laïcs, chiites, religieux à l’affût, Al Qaida en embuscade, qui l’emportera, que faut-il comprendre, lire, voir? Mais d’abord et avant tout, quoiqu’il advienne, comment ne pas saluer ces hommes et femmes suffisamment héroïques pour risquer leurs vies pour plus de démocratie, plus de pain et plus de liberté?
Et du coup, comment ne pas être désarmé de retrouver, à côté de la puissance de ce bouillonnement, les petits et vieux manèges qui alimentent les anxiétés et jouent avec les sentiments les plus primaires? Voici qu’après les malheureuses tentatives pour affoler les esprits sur l’identité nationale, après la loi sur la burqa, les dérapages sur les Roms, on nous annonce de toute urgence un débat national sur l’Islam. Un débat? Sur religion et démocratie? Sur le futur des pays en développement? Sur les inégalités nord-sud? Sur cette Europe de la Méditerranée qui n’aura pas duré plus que le temps d’un colloque? Ou plutôt, n’est-ce pas, comme d’habitude, la volonté d’agiter les peurs en espérant dégonfler l’extrême droite et ressouder une droite déboussolée devant les alarmes des Français devant les inégalités inacceptables, le chômage omniprésent, l’école en déroute, la santé en panne, l’Europe toute entière en crise. Et après tout le fracas qui a déjà eu lieu, quel résultat? Marine Le Pen à 20% dans les sondages. Belle réussite! Certains à droite comme Alain Juppé s’émeuvent à juste titre devant la perspective de remuer encore une fois cette trouble marmite. Ca s’appelle en effet jouer avec le feu…