Depuis quelques jours, les commentaires fusent autour de la condamnation d’Eric Zemmour à 2000 euros d’amende pour incitation à la discrimination raciale. Le tribunal a-t-il eu tort ou raison de considérer comme telle ce propos qu’il avait tenu chez Ardisson: « Mais pourquoi, on est contrôlé 17 fois ? (…) Parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes… C’est un fait ».
Voici typiquement un faux débat, qui est très typique des médias. L’habitude a été prise depuis quelques années de refaire la justice, chez soi, au café ou à la radio, comme d’autres refont le match. Pourtant, il est une règle en démocratie, qui est de ne pas discuter une décision de justice. La question que pose ce jugement n’est pas de savoir s’il est juste ou non, mais de savoir quelles conséquences en tirer si l’on souhaite avoir des médias éthiquement irréprochables.
Comme je l’ai écrit récemment dans Les Médias et nous, pour répondre à ce type d’interrogation, la meilleure méthode est d’abord d’aller voir quelles sont les obligations des chaînes.
De la lecture du Cahier des charges de France Télévisions, on peut retirer ceci:
1. En préambule, celui-ci affirme que “la télévision est le visage d’une société, l’expression de ses différentes facettes... Elle est surtout un lien puissant quels que soient leur origine, leur âge, leur appartenance”.
2. L’article 36 précise: “France Télévisions veille au respect de la personne humaine et de sa dignité. Elle contribue à travers ces programmes et son traitement de l’information et des problèmes de société à la lutte contre les discriminations et les exclusions de toutes sortes”
Ce texte est parfaitement clair: la télévision de service public se doit de lutter contre les discriminations et les exclusions de toutes sortes. Or c’est sur le motif d’inciter à la discrimination que Zemmour est condamné. Comment, dans ces conditions, supporter qu’il continue à être le chroniqueur d’un des talk shows les plus suivis de France 2? Il y va de la crédibilité du service public. S’il passe outre, quelle confiance pourrons-nous avoir dans sa capacité à faire respecter son esprit ?
Vous me direz, TF1 a bien continué à employer PPDA après sa condamnation en marge de l’affaire Botton. Mais, il s’agissait d’une société privée, dont la décision n’engageait que son image. En l’occurence, il s’agit d’un groupe de chaînes dont le devoir est de respecter des valeurs citoyennes. Je ne vois pas comment on pourrait supporter d’entendre chaque semaine un homme condamné pour discrimination raciale. On m’objecte que Brice Hortefeux continue à être ministre après avoir subi un sort comparable. Certes, mais voyez à quelle niveau de crédibilité est tombé le gouvernement auquel il participe. Et comment la promesse fait par Sarkozy d’une “république irréprochable” fait figure de grosse plaisanterie!
Pour Laurent Ruquier, principal employeur télévisuel de Zemmour, le problème est un peu différent. Il est libre de choisir, mais son choix engagera sa marque. S’il conserve le chroniqueur à ses côtés, son image d’homme de gauche, propre sur lui, en prendra un sacré coup. Il y a près d’un an, l’animateur semblait hésiter sur ce qu’il ferait si Zemmour était condamné. Il y a quelques semaines, il a déclaré au Parisien: « Il y a des ministres condamnés et qui sont toujours ministres. Pourquoi est-ce que ça changerait quelque chose pour un chroniqueur ?” Curieux raisonnement: comment peut-il agir comme ceux dont justement le comportement est indigne? Je ne pense pas que ceux qui suivent On n’est pas couché approuvent qu’un ministre condamné reste au gouvernement. Le rique encouru apr l’animateur, c’est que le “tous pourri” adressé au monde politique par les populistes de tout crin devienne aussi le slogan renvoyé aux médias.
comprendrelatele