Ah qu'il est loin le temps des jeux de plateforme des années 90, surtout ceux mettant en scène nos amis made in Disney. Si on ne compte plus les nombreux titres basés sur l'univers Disney, on a constaté une nette baisse de régime ces dernières années (merci Kingdom Hearts au passage) même pour la célèbre mascotte Mickey Mouse. Fort heureusement, il y a deux ans, un certain Warren Spector (Papa estimé de Deus Ex) a proposé ses services à Disney Interactive, qui lui confia un projet pour le moins ambitieux.
Une aventure épique...
1er Janvier d'une année indéterminée du 20ème siècle. Mickey dort paisiblement dans son lit, un bouquin d'histoires posé sur ses draps. Titillé par la curiosité, il s'éveille et décide de faire comme dans le livre : traverser son miroir. Il arrive alors dans le fameux atelier de Yen Sid, dans lequel le mage s'affaire à la création d'un monde ou les choses oubliées pourraient vivre en paix. Son travail terminé, Mickey ne put s'empêcher d'y ajouter sa touche personnelle, créant alors involontairement un monstre. Pensant avoir maitrisé ce Fantôme Noir avec du dissolvant, il retourna se coucher craignant de se faire attraper par Yen Sid. De longues années pleines d'aventures se sont ensuite paisiblement écoulées, avant que Mickey ne se fasse capturer à travers le miroir par le Fantôme, qui le ramena malgré lui dans le monde qu'il a jadis colorié. Notre souris est maintenant bloquée dans cet univers, baptisé Monde de la Désolation par ses habitants, sans savoir comment repartir.
Le Monde de la Désolation regroupe tous les personnages oubliés des studios Disney et des mémoires. Dessiné pour ressembler à Disneyland, le Grand Chambardement a englouti des sections entières de ce monde dans le dissolvant, qui coule inlassablement dans les parties épargnées. L'atmosphère n'est donc pas à la fête, mais plutôt à la mélancolie. Fort heureusement, Mickey a réussi à attraper le pinceau magique du Mage lors de sa capture, ce qui va changer toute la donne. Il est en effet capable de tenir tête au Fantôme Noir et peut dès lors redonner un peu de couleur au Monde de la Désolation. Mais sans l'aide des habitants, il sera difficile de repartir, Mickey va donc devoir renouer avec ses vieilles connaissances et les aider. Le revoilà parti pour une folle aventure mêlant couleurs, émotions et magie.
Peinture ou dissolvant ?
Une bonne partie de la mécanique de ce jeu de plateforme repose sur le fameux pinceau magique, qui a le pouvoir de faire apparaitre ou disparaitre les décors et les objets. A l'aide des Gremlins (pas les monstres verts bien connus mais de vrais petis personnages de la même couleur), Mickey va apprendre rapidement le b.a b-a du peintre en herbe. A savoir colorier avec B et dissoudre avec Z en pointant la cible de la Wiimote. Chaque objet peint peut être effacé et vice-versa de cette manière. Cette subtilité est largement exploitée tout au long du jeu : dissoudre des engrenages pour arrêter un mécanisme, faire disparaitre le décor pour découvrir une cachette ou encore révéler divers éléments transparents afin de se frayer un chemin. Epic Mickey est un savant mélange de plateforme et de réflexion et l'un ne va pas sans l'autre. Heureusement, Mickey n'est pas difficile à maitriser (courir, cogner, sauter et peindre), mais il faudra compter avec la caméra qui vous jouera parfois de mauvais tours notamment dans les espaces étroits ou les coins.
Dans le même ordre d'idées que les modifications de décors, Mickey est capable de changer le comportement de ses ennemis : les Taches. Celles-ci sont des créatures de peinture noire à la solde du Fantôme et du Savant Fou, il en existe plusieurs types : des petits, des moyens, des grands, des gloutons, des bombes, des voyeurs, des agaçants, des robots-like, tous avec petit un air de famille. En les aspergeant de peinture, certaines Taches deviendront vos alliées et vous aideront à combattre, et d'autres vous ficheront simplement la paix. Et en les noyant dans le dissolvant, la plupart disparaitront tandis que d'autres se retrouveront plus vulnérables aux attaques physiques. Cela vaut pour la majorité du bestiaire mais quelques irréductibles ne se laisseront pas amadouer par le liquide et il faudra compter sur les poings pour les achever. La façon dont vous combattez (peinture ou dissolvant) influencera dans certains cas le jugement des habitants. S'ils sont contents, vous recevrez peut-être un cadeau ou une mission, autrement ils vous traiteront comme un sans-cœur.
Si le nombre d'ennemis à l'écran vous dépasse, ce qui arrive assez souvent, vous pourrez toujours compter sur le plan B, à savoir les schémas. C'est un classique du dessin animé que de faire apparaitre un objet à partir d'un dessin, les schémas en question feront apparaitre l'objet dessiné a côté de vous pour quelques secondes. En faisant apparaitre une télévision, vos ennemis resteront littéralement subjugués par le court métrage diffusé, vous laissant tranquille pour un temps. La montre (ou pendule) a pour effet de ralentir le temps, l'idéal pour finir les défis haut la main ou esquiver des attaques. Enfin, l'enclume se contentera d'écraser vos adversaires, ou de vous donner un appui pour accéder à un point élevé, voire les deux. La quantité de schémas que Mickey peut transporter est limitée à quelques exemplaires, cette limite peut néanmoins être repoussée grâce à vos victoires.
Mission To Desolation ?
Comme dit plus haut, Mickey devra compter sur les habitants pour l'aider à repartir. Cela se traduit par les missions que ces derniers confient à Mickey avec à la clé des objets importants ou l'ouverture d'un passage vers la zone suivante. Les missions sont très diverses : capturer des lapins, faire la course, peindre ou retrouver des objets, sécuriser une zone ou même... faire une farce ? Ah oui, c'est vrai, il existe parfois plusieurs moyens pour atteindre le même but, souvent il s'agit de choisir entre la manière douce ou la manière forte, entre la facilité et la difficulté, voire entre raison et humour. Un exemple avec l'ouverture d'un coffre que l'on peut faire tomber sur quelqu'un ou l'ouvrir avec la clé, ou encore soudoyer une personne avec des E-Ticket (monnaie du jeu) au lieu de chercher un objet précis pour l'échanger. Dans le même ordre d'idées, en libérant des Gremlins de leur cage, ces derniers vous apporteront un petit coup de main, ce qui vous évitera de vous taper tout le boulot. Waren Spector voulait mettre en lumière le côté malicieux de Mickey et a plutôt bien réussi !
Dans le menu Pause, vous pourrez voir l'avancement des missions, dont celles terminées, celles en cours ou même celles que vous avez ratées, et ce dans les deux sens du terme. On peut rater une mission pour deux raisons, soit en ayant fait le « mauvais » choix, soit en passant tout simplement à côté. On pourrait ajouter une troisième cause, le refus pur et simple de coopérer : on ne va quand même pas décrocher la lune pour satisfaire môssieur Pat Hibulaire et son sens du tact légendaire. Il faut parfois être patient, parler à tout le monde et visiter les environnements dans ses moindres recoins pour tout dénicher. Globalement, en étant soigneux et en s'intéressant un minimum aux personnages, on ne peut guère louper plus de cinq missions. Notez que certaines sont des défis sur le long terme et ne se terminent qu'après avoir amassé certains objets et d'autres se mettent à jour quand une mission en relation est terminée, donc ne vous étonnez pas d'avoir de nombreux objectifs en cours. En arrivant près de la fin, on sent quand même qu'Epic Mickey n'exploite pas pleinement le potentiel de ce gameplay pourtant bien pensé, mais c'est un bon début.
Drôle de casting !
Le studio a creusé profond, très profond même, dans les archives Disney pour concevoir Epic Mickey. Dans ce Monde de Désolation, il fallait des personnages oubliés ou incomplets, on retrouve donc pas mal de brouillons et d'anciens héros du petit écran. Le premier d'entre eux a été la première mascotte de Disney, alias Oswald, Le Lapin Chanceux. Oswald a rendu son tablier dès que Mickey a été dessiné et fut donc le premier habitant du Monde de la Désolation. Il accueillit ensuite les brouillons de Dingo, Pat Hibulaire, Horace et Clarabelle notamment. Et quand les amis de Mickey sont encore célèbres (tel Donald, Dingo ou Daisy), Oswald crée des robots à leur effigie. Tout au long du jeu sont donc contés les exploits de chacun, soit de vive voix, soit via les niveaux 2D détaillés plus loin, et on ne peut que pleurer leurs destinées (enfin, si l'on est un minimum sensible).
Mais pour contrer cette tristesse, Warren propose quelques moments d'humour et de nostalgie. Les cinématiques sont en effet assez rigolotes et on retrouve l'humour dessin animé d'antan du début à la fin du jeu, notamment à travers les dialogues. Pour le côté nostalgie, les développeurs ont fait fort, très fort même. Outre les nombreux clins d'œil à Mickey (on peut par exemple causer avec son téléphone parlant), les passages entre les différentes sections du Monde de la Désolation ne sont ni plus ni moins que des niveaux 2D ayant pour toile de fond les plus célèbres dessins animés de Mickey et d'Oswald.
Sont ainsi mis à l'honneur les machines de Trolley Troubles (1927), le château d'Oh What a Knight (1928), le bateau à vapeur de Steam Boat Willie (1928), la cambrousse de Jungle Rhythm (1929), le village de The Fire Fighters (1930), l'atelier de The Mad Doctor (1933) ou encore la maison zoomée de Mickey dans Thru the Mirror (1936) et la baraque des Lonesome Ghost (1937), entre autres. Les fans reconnaitront aisément chacun des court-métrages qui abritent, mine de rien, leur lot de subtilités. La peinture n'est pas utilisable dans ces mondes, il s'agit de phases de pure plateforme. Si la réalisation est superbe, on regrettera à la longue de devoir à chaque fois les traverser et retraverser pour changer d'endroit. Au moins, c'est utile pour faire le plein d'E-Tickets.
Un parc à thème... et des Gremlins
Epic Mickey jouit d'une réalisation artistique remarquable. Que ce soit le Château de la Belle au Bois Dormant, les îles de Peter Pan, l'exposition futuriste de Discoveryland ou le mythique Manoir Hanté, chaque univers Disney y est plus que reconnaissable et la transformation mélancolique due au dissolvant est fort bien représentée. Mais cela n'empêche pas d'avoir des lieux hauts en couleur comme le veulent les dessins animés et ce mélange pour un titre de plateforme est plus que plaisant. La bande son, quant à elle, suit les mêmes traces, les morceaux collent parfaitement à l'ambiance du moment, que ce soit dans les univers 2D ou 3D, encore une fois, c'est du vrai Disney. Il est dommage que les personnages ne parlent pas (même dans les cinématiques) mais les bruitages old school sont tout de même sympathiques.
Par contre, on regrettera l'envahissante présence des Gremlins. Warren a donné vie à ces personnages mais on se demande s'il n'aurait pas mieux valu les laisser dans les cartons. On appréciera certes leur présence pour les didacticiels mais quand chaque choix, chaque situation est sans cesse expliquée par Gus, votre compagnon attitré, vous aurez vite tendance à le maudire. Ce dernier étant omniprésent, il n'y a pas beaucoup de place pour le suspense ou la réflexion. Mais au moins, grâce aux Gremlins, les plus jeunes ou les moins astucieux pourront quand même avancer dans le jeu et peut-être, avec de la persévérance, le finir ! On peut donc décrire le jeu comme étant une représentation originale du jeu de plateforme avec quelques pâtés.