Poezibao rappelle que les éditions Flammarion ont réédité toute l’œuvre de Pierre Reverdy, dont certains livres étaient devenus introuvables, en deux forts tomes dirigés par Etienne-Alain Hubert.
De la pierre à l’eau
Le ciel est trop bas
Pour qu’on puisse rire
La mer se retire
Et le jour s’en va
Les lumières poussent au ras du sol
Au bord de l’eau crépitent les étoiles
l’odeur des arbres morts
les cris pris dans les voiles
Et le bras vigoureux qui dresse le décor
Les hommes
Les vaisseaux
Les feux du sémaphore
Sur le sable mouvant et les pas de la nuit
Dans le même rayon l’eau qui se décolore
Et le visage rond qui monte
ou l’œil qui rit
Ce coin où les signaux sont plus loin que le monde
Où le feu qui se pose est plus vite englouti
Quand le soleil éclate et que l’air devient rose
Ce coin sous les rochers humides
Et à midi
Pierre Reverdy, Sources du vent, in Œuvres complètes, tome II, Flammarion, 2010, p. 125
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Le dernier mobile
Le mur derrière les angles
Où la fenêtre luit
Un plastron ou une cuirasse
Personne pour dire un mot
Les arbres passent
Les nuages
Les pointes
La terre a bien l’air de tourner
On ferait des efforts en vain pour s’en aller
Le dos au feu
Les yeux fixés sur la muraille
C’est la maison qui marche
Et moi qui suis assis
Et toutes les fenêtres en passant m’ont souri
Encore une heure
Et tous seront partis
Sauf un
Qui restera toujours
Seul
Pour garder la nuit.
Pierre Reverdy, Pierres blanches, in Œuvres complètes, tome II, Flammarion, 2010, p. 253
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A la limite
Quand les gens passent la nuit dans l’allée bleue – la nuit d’hiver. Les branches bougent contre les murs, contre la haie qui se retranche – la barrière enchantée dans le gris plus épais – le trou vivant des ombres.
Si les lumières courent, si elles naissent et meurent, tout ce qui est devant s’anime et les yeux sont meurtris. Tout ce qui pèse sur cet espace étroit où s’accoude la nuit.
La tête a son rayon qui file loin du monde. Le cœur parti à l’aile et faible au souvenir. S'il fait froid dans l’allée vide où le vent s’arrête aux branches qui déchirent – où l’aile immense touche en remuant la pluie – une larme au rebord du toit luisant, un mot qui plane. Et la lumière fixe dans le cadre des lignes – Tous ces gens qui passent le soir d’hiver dans l’allée bleue et grise qui traverse la nuit.
Pierre Reverdy, Flaques de verre, in Œuvres complètes, tome II, Flammarion, 2010, p. 521
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Il y a ceux qui prennent la vie comme un beau fruit, l’épanouissement, le côté plantureux de la vie, la chair, la pulpe croquante de santé, de sève élaborée jusqu’au bout, et délicieuse à savourer ne serait-ce que de l’œil seulement. Il y a ceux qui s’intéressent surtout à l’amande et même plus précisément au germe de l’amande, dans le noyau. Dans le fruit, sont résumés tous les temps de la vie. Le passé, souvenir de labeur, le fruit à consommer au moment, le noyau sec et dur qui contient l’avenir, mais toujours le même avenir, sans changement.
Pierre Reverdy, En vrac, in Œuvres complètes, tome II, Flammarion, 2010, p. 914
Pierre Reverdy dans Poezibao :
bio-bibliographie, dossier Reverdy(bio et bibliographie et très nombreux extraits de l’œuvre), la future édition complète chez Flammarion, notes sur la poésie, 1, extrait 1, extrait 2, extrait 3, in notes sur la poésie, 2, notes sur la poésie, 3, ex. 4, « Actualité de Reverdy » (par A. Emaz), entretien avec Yves di Manno sur la réédition des Œuvres complètes, Œuvres complètes, T.2 (par A. Emaz), ext. 5
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