Cela ne vous aura pas échappé la curation et son acteur, le curateur, font le buzz en ce début d’année. Le déploiement de la plate-forme Scoop.it n’y est bien entendu pas étranger, même si d’autres outils de curation existaient bien avant (je pense notamment à un service comme Kweeper sur lequel je reviendrai dans un prochain billet).
Les articles pullulent sur cette nouvelle tendance. Je vous invite à lire notamment celui de Camille : Le curator est-il un veilleur ? et cet essai de définition publié sur Locita : Curator, le futur buzzword de 2011… ou pas.
La question que je voudrais aborder ici n’est pas celle de savoir si, avec la curation, nous assistons à l’apparition d’un phénomène nouveau ou si le fait de trier, organiser, faire de la veille et aussi ancienne que le web. Ce qui m’interpelle dans les nombreux articles que j’ai lus sur le sujet, c’est le raccourci très souvent établi entre curateur et rédacteur en chef.
Le curateur n’a rien d’un rédacteur en chef.
Un rédacteur en chef est à la tête d’une équipe de journalistes, c’est un chef d’orchestre qui décide de mettre en avant telle ou telle actualité, de traiter tel sujet de telle manière, sous tel angle (sur proposition du journaliste bien sûr), de privilégier telle information plutôt que telle autre en fonction de la ligne éditoriale du journal (définie, elle, en concertation avec le directeur de publication). C’est aussi celui qui, en relisant l’intégralité des articles avant publication, demandera au journaliste des précisions, des vérifications supplémentaires, des compléments d’informations.
Si le curateur décide effectivement des articles qu’il souhaite mettre en avant, et donc des sujets qu’il publie, ce n’est pas lui qui choisit l’angle des articles. Le curateur doit faire avec ce qu’il a, avec les sources, les articles dont il dispose. Contrairement au journaliste, le curateur n’est pas à la source de l’information, ce n’est pas lui qui la produit, qui va la chercher, la recoupe, la vérifie, la met en scène. Bien sûr, les plates-formes de curation offre toujours la possibilité d’écrire soit même un billet, mais ce n’est pas ce qui constitue l’essentiel de l’outil. Si le curateur sélectionne l’information, effectue un tri, de la veille parmi la multitude des sources qu’il a sa disposition, il n’est pas là pour en vérifier l’authenticité, rôle qui revient au journaliste et producteur de la source. Alors il est vrai que, parmi le contenu agrégé par le curateur, l’on trouve aussi bien des articles de presse, écrits par définition par des journalistes, et des articles de blog, publiés par n’importe quel quidam, vrai spécialiste ou pseudo expert. C’est d’ailleurs pourquoi, à mon sens, il serait faux de croire que la curation est la solution indiscutable pour redonner du sens et de l’expertise au contenu publié sur le net. Le curateur est avant tout un passionné qui partage sa passion pour son domaine de prédilection, ce qui n’en fait pas pour autant un expert autoproclamé.
Le curateur est un éditeur web.
Mais si le curateur n’est ni un journaliste, ni un rédacteur en chef, qu’est-ce que c’est ? Pour moi, le terme le plus approprié serait celui d’éditeur web. Et je rejoins en cela totalement les conclusions publiées sur Locita suite au premier débat qui a eu lieu le 7 février dernier sur le sujet : Le curateur, un éditeur de contenu qui a de l’avenir.
Le curateur est mû par un ou des centres d’intérêt. Il fait le tri parmi les sources, sélectionne les articles qu’il trouve les plus pertinents, agrège le contenu, le met en page, le commente éventuellement. L’éditeur web va au-delà du simple travail de veille car il a cette fonction de valorisation de l’information par la mise en avant des sujets, la mise en page des articles ou extraits d’articles.
Après, reste les outils mis à la disposition de cet éditeur web. Là encore, comme les plates-formes de blogging, il existe différents outils de curation. Chacun a ses atouts et ses inconvénients. Personnellement, j’utilise Scoop.it et kweeper, deux solutions pour deux usages différents : scoop.it pour des sujets bien définis, Kweeper pour conserver en vrac les extraits d’articles qui m’intéressent. La prochaine version de Kweeper permettra d’ailleurs de créer ses propres pages thématiques. La différence tient ensuite à l’ergonomie et la présentation des pages. On parle aussi beaucoup de Pearltrees que je n’ai pas testé. Quant à Paper.li, que certains rangent dans les outls de curation, je ne le considère pas pour ma part comme tel dans la mesure où le journal est publié automatiquement sans que je puisse intervenir dans le tri et la mise en page des tweets. C’est en curant que l’on apprendra à curer.
Avec la naissance des blogs, tout le monde a voulu devenir bloggueur et on trouve dans la blogosphère de tout et du n’importe quoi. Le phénomène des blogs est aujourd’hui à un tournant et je partage l’avis de Pierre Chapaz, dans cet article du Nouvel Economiste, qui dit que les blogging est devenu plus mature et que l’on a aujourd’hui gagné en qualité. Comme toute nouveauté, le curation se cherche. Tout comme pour les blogs, je pense qu’il faudra du temps pour que la curation se démocratise et gagne en pertinence et en qualité.
Personnellement, si je me suis mise à utiliser scoop.it, au départ, c’était surtout par curiosité. J’ai voulu tester ce nouvel outil, et je me suis prise au jeu. J’ai créé sur scoop.it plusieurs sujets, mais, au fil du temps, ceux-ci vont être amenés à s’affiner. Comme lorsque l’on démarre un blog, au départ, on tatonne, on cherche sa ligne éditoriale et puis, petit à petit, on resserre ses angles, on se spécialise, nos centres d’intérêt évoluent. Mais si on atttend d’avoir LA bonne idée, de trouver une ligne éditoriale originale pour son blog, alors on ne démarre jamais. Idem pour la curation. Je suis persuadée que c’est en curant que l’on apprendra à curer (décidément, c’est vrai que ces termes de curation, curator, curer… sont très moches).