Télévision Mobile Personnelle: On prend les mêmes et on recommence … ou presque

Publié le 26 janvier 2008 par Cédric Soares

Lundi 21 Janvier, le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) a enregistré les dernières candidatures à la Télévision Mobile Personnelle. Alors que le nombre de canaux TMP disponibles est initialement de 16, les prétendants sont au nombre 20 pour 36 dossiers déposés au total. La pression concurrentielle sera d’autant plus forte que 3 canaux seront réservés à des chaînes du service publique (à priori France 2 et Arte seraient déjà pressentis) et que chaque groupe porteur de projet ne pourra s’en voir attribuer au maximum 3.

Ci-dessous le tableau récapitulatif issu du communiqué de presse du CSA:

Partant de là, les différents dossiers peuvent êtres répertoriés tout ou partie selon 3 critères:

  • Nature du groupe candidat
  • Catégorie de programmes
  • Forme des contenus diffusés

Nature du groupe candidat

Les Grandes chaînes TV hertziennes: TF1, M6, Canal + ont une position défensive afin de préserver leur suprématie. TF1 notamment, de part le rejet de candidature de TV Breizh , est passé à côté de la TNT lors de son lacement en 2005. Le groupe a du racheter TMC et entrer au capital du Groupe AB afin de corriger sa position.

Les grands groupes médias: Bolloré, Lagardère, Groupe AB, NRJ, l’association l’Equipe/Les Echos/Equidia, Nextradio TV ont au contraire une position très offensive. Ces groupes s’appuient sur des portefeuilles de marques fortes déjà présentes ou non dans le paysage audiovisuel afin de maximiser audiences globales et revenus publicitaires. Lagardère se distingue par le nombre de dossiers déposés supérieur au nombre de canaux qu’il pourrait espérer avoir (6 contre 3).

Les opérateurs: Orange, Numericable cherchent à élargir leur position sur la chaîne de valeur média afin de créer de nouveaux centres de profits. SFR n’a pas déposé de dossier afin de ne pas entrer en concurrence avec Canal + qui fait également parti du groupe Vivendi.

Les producteurs de contenus: Adamique Production, EuropaCorp, Mobibase voient en la TMP un nouveau circuit de diffusion et rentabilisation de leurs contenus. Lors de l’appel à candidature pour l’attribution des canaux régionaux de TNT, le dossier de Adamique Production a été jugé irrecevable par le CSA.

Les éditeurs “niches”: Cofites (TéléMelody), Télévista (Vivolta) ont pour objectif via l’attribution d’un canal TMP d’augmenter leur taux de couverture sur leurs cibles respectives.

Catégorie de programmes

Généraliste/mini généraliste: TF1, M6, Canal +, TMC, NT1 Remix, W9, Direct 8 Mobile, Virgin 17, NRJ 12

Sport: Infosports, Eurosport, E3TV, Ma Chaîne Sport, RMC Sport, Orange Sports TV

Information: i-Télé, LCI, BFM TV, TBFM, Euronews

Musique: MCM Top, TéléMelody

Jeunesse: Canal J MP, Gully

Féminin: Teva, Elle TV

Technophiles: O’TV

Participative: MTP1


Forme des contenus diffusés:

Spécifiques TMP (programmes courts, cadrage spécifique, interactions): MTP1, O’TV

Reformatés TMP: Direct 8 Mobile, Canal J MP, NT1 Remix

Formats TV adaptés à la TMP: i-Télé, MCM Top, LCI, BFM TV, Euronews

Formats TV non adaptés à la TMP: TF1, M6, Canal +, i-Télé, TMC, Gulli, Virgin 17, MCM Top, LCI Eurosport, NRJ 12, W9, Téva, Vivolia

Fort est de constater que l’offre qui se dessine reste assez similaire à l’existant sur la TV et, exception faite de MTP1, ne tirerait pas partie des possibilités du terminal (interactivité, géolocalisation). Ceci s’explique à la fois par un modèle économique dont les contours sont encore flous, un écosystème composé d’acteurs aux antipodes et un manque de maturité vis à vis du mobile.

Selon les estimations du cabinet NPA Conseil, il faudra compter entre 80 et 200 millions d’euros pour construire un réseau couvrant 50 % de la population et 4 à 6 millions supplémentaires par chaîne. Les revenus publicitaires ne devraient pas être en mesure de pouvoir couvrir ces investissements avec un marché tendant vers les 81 millions d’euros en 2012. Afin de palier ce manque, 8 candidats se sont associés pour créer la « charte pour l’essor de la Télévision Mobile Personnelle en France » qui a pour vocation de “mettre en place en commun avec les industriels et les distributeurs un modèle coopératif de financement du réseau et son exploitation”. Celui-ci pourrait prendre la forme d’un abonnement pour des différents distributeurs et/ou d’une licence pour des constructeurs de terminaux sans abonnements.

On peut dès lors imaginer une offre composée d’un bouquet gratuit complété par des chaînes thématiques payantes. NRJ et Bolloré souhaiteraient dors et déjà voir leurs chaînes respectives (NRJ12 et Direct8) diffusées gratuitement. Dans une interview réalisée Laurent Esposito publiée sur Télévision 2.0 et vidéo numérique le 27 juin 2007, Philippe Bailly associé et co-fondateur du cabinet émettait déjà l’hypothèse de forfaits compris entre 5 et 10 euros . Hypothèse confirmée par l’institut Harris Interactive selon lequel 25% des internautes Français sont intéressés par la TMP. 54% d’entre eux déclarent avoir l’intention de souscrire à une offre de TMP si elle leur était proposée au tarif mensuel de 5 euros et 24% à 10 euros par mois.

Au delà de l’aspect financier, la « charte pour l’essor de la Télévision Mobile Personnelle en France » engage les signataires à mutualiser leurs ressources en terme de système de cryptage et de gestion de droits (CAS), guide de programmes TV (EPG) et diffusion avec les opérateurs et industriels.

D’après les différents éditeurs “membres” 3 conditions doivent être réunies afin de permettre l’essor de la TMP:

  • Des programmes attractifs.
  • Un service de qualité, permettant la continuité de réception en mouvement. Dès le lancement, la couverture dans les transports et en intérieur devra être effective.
  • Une offre de terminaux variées (téléphones, récepteurs portatifs) à des prix compétitifs

Paradoxalement, Orange n’a pas signé la charte. Cet état de fait est symptomatique de l’écosysthème mobile tiraillé entre les intérêts de 3 forces majeures:

Les éditeurs de contenus: course à l’audience dans le but de maximiser les revenus publicitaires

Les opérateurs: optimisation du revenu mensuel par utilisateur (ARPU)

Les constructeurs: rentabilité des terminaux

Les premiers impulsent dans le sens de la TMP gratuite alors que les seconds tirent vers un modèle 100% payant. Alors que les 16 premiers canaux seront attribués par le CSA juillet 2008, les fréquences libérées par la dividende numériques seront quand à elles attribuées par l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes). Les candidats sont déjà nombreux (TMP, TNT HD, Internet Mobile, 4G), ce qui laisse imaginer que ce premier appel d’offre n’est qu’un round d’observation.

Enfin comme le souligne André Tonique dans sa tribune sur le Journal du Net intitulée Télévision mobile personnelle: au delà du mirroir: “l’endroit, la façon et les raisons de regarder un programme télévisuel sont largement codifiés socialement. La TMP va bouleverser ces règles, surtout si elle est accessible partout, par tout un chacun, à n’importe quelle heure et sur une multitude de terminaux portables”.

Dans la mesure où une majorité des projets TMP déposés sont des portages de chaînes TV, peut on envisager que cette “offre générique” soit adaptée à une demande plus spécifique qui plus est quand la consommation média se veut de plus en plus délinéarisée grâce la VOD, la Catch-Up TV et les Podcasts.

Il est toutefois intéressant de faire le distingo entre TMP et Mobile TV. Dans ce sens la première est légitime sur un récepteur mobile (Téléviseur de poche, baladeur) comme prolongement d’un média existant: la TV. La seconde quant à elle s’appuie sur un terminal qui se veut le centre de la convergence média / convergence des écrans et nécessite pour être appréhendée pleinement l’intégration de la valeur ajoutée de celui-ci et l’exploitation non comme un prolongement mais comme un nouveau média du Mobile.

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