Au-delà de la réfutation légale et constitutionnelle des mesures de rétorsion que prennent divers gouvernements pour punir le téléchargement et le partage de fichiers musicaux et au-delà de l’argumentation qui explique que l’État n’a pas à protéger par la force – contre l’évolution naturelle des choses – un modèle économique de production musicale qui est complètement déphasé avec la technologie moderne et les mentalités du 21e siècle, on peut se demander si les « pirates » seraient réellement coupables de la dramatique situation de l’industrie du disque.
Le graphique ci-dessous est singulièrement éloquent (établi sur base des chiffres de la RIAA qui défend les intérêts de l’industrie du disque aux États-Unis – chiffres qui peuvent parfaitement être extrapolés au reste du monde) :
On peut voir qu’après l’explosion des ventes de CD entre 1980 et 2000, depuis dix ans celles-ci s’effondrent sans être compensées par les téléchargements digitaux. Certes, les téléchargements illégaux peuvent peut-être expliquer la différence. Mais sans certitude aucune.
Par contre, ce qui est vraiment intéressant dans ces données, ce n’est pas tant la chute des ventes durant la dernière décennie, mais bien la spectaculaire anomalie des années ’90. Pendant cette période, les maisons de disques ont triplé leurs ventes. Un phénomène proprement incroyable qui doit s’expliquer par le fait que le CD digital est un support musical infiniment supérieur aux anciens vinyles et cassettes et bien plus pratique et par le fait que le CD était vendu plus cher que le vinyle ou la cassette. On se rend bien compte que les maisons de disques connurent là un véritable Âge d’Or.
Reste à savoir maintenant si la chute du chiffre d’affaires des maisons de disques signifie également une diminution du volume de musique vendue. Ou si c’est seulement le prix moyen par chanson qui s’est effondré. Et de poser l’hypothèse selon laquelle les ventes des maisons de disques entre 1980 et 2000 constituèrent un bulle qui éclata il y a dix ans et que l’on reviendrait à une situation normale où ces maisons gagnent autant d’argent aujourd’hui qu’au début du lancement du CD. Très loin donc d’une description apocalyptique – qu’aiment nous faire les maisons de disques et les politiciens qui les relaient – d’un futur sans musique peuplé d’artistes miséreux.