Barcelone est le cadre, mais aussi le principal acteur de cette nouvelle enquête de Pepe Carvalho. L’action se passe en 1975 ou 76. La première image est un plan de la ville et de la situation des quartiers périphériques : à l’ouest San Magin, une « urbanización » récente, des immeubles sortis de rien, où logent des travailleurs tristes, à l’est, Trinidad et San Andrès, banlieues mal famées, au nord Vallvidrera où demeure Pepe, au centre les vieux quartiers où il travaille, avec son collaborateur Biscuter, son amie Charo et son indic Bromuro : le barrio Chino à l'ouest des Ramblas, et le barrio Gothic à l'est.
Pour cette nouvelle affaire, Pepe Carvalho est chargé par sa riche veuve de découvrir l'assassin d’un industriel et promoteur immobilier découvert lardé de coups de couteau dans un terrain vague de Trinidad, Carlos Stuart Pedrell. Celui-ci a disparu pendant une année en déclarant vouloir vivre la vie de Gauguin, et partir dans les mers du sud. La veuve veut un rapport détaillé concernant la situation de son défunt mari pendant cette année d'absence, surtout savoir si l’héritage qu’elle et ses enfants recueillent n’est pas entamé par la vie fugueuse de Carlos Pedrell que personne, finalement ne regrette vraiment. En guise de premier indice, elle fournit au détective un morceau de papier extrait de l'agenda de Carlos où est écrit ce vers en italien : « Désormais personne ne m'emmènera vers le sud ».
Car depuis la disparition de son mari, Mme Stuart Pedrell a pris la tête de toutes ses affaires et s’en tire très bien, bien mieux que lui, amateur de jolies femmes, d’opéra, et mal dans sa peau…Pepe Carvalho va tenter de retrouver la trace de l’homme perdu, et fera des découvertes déconcertantes. Quant au meurtrier, tout le monde sait jouer du couteau à Barcelone. La police a tôt fait de baisser les bras. Car tout commence et tout finit dans la capitale catalane, au lendemain de la mort de Franco, dans ses beaux quartiers et ses rues sordides, où la poésie des paysages le dispute au désenchantement. Tout finit bien, sauf que…..Une construction méthodique, des personnages campés avec la précision du scalpel, des notes d’ambiance comme la description des voyageurs du métro (p.156), et, en prime, la vraie recette de la paëlla en page137…Le style fait l’écrivain, et ici, il est bien traduit. Comme le dit Le Monde « On ne perd jamais son temps à lire Montalban. »
Les mers du Sud, roman de Manuel VASQUEZ MONTALBAN (mort en 2003), publié en 1977, traduit de l’espagnol en 1999 par Michèle Gazier, éditions POINTS, 312 p. 7€.