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Tout un homme - Jean Paul Wenzel

Par Ivredelivres

Germinal n'est pas si loin

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Pendant des années ils ont fait le travail que personne ici ne voulait faire, pendant des années ils ont peiné, sué, souffert, été accidenté pour faire fonctionner des mines, des usines qui un beau jour fermeraient.
Ils ont vécu pendant des années loin de leurs racines jusqu’à ce que petit à petit leurs racines changent de « pot ». Pendant des années ils portaient ce nom « immigrés » jusqu’à ce que leurs enfants détiennent une carte d’identité française.

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Le collectif des mineurs marocains à Liévin aujourd'hui

1963 Ahmed  laisse derrière lui la Kabylie, né d’un père Français musulman  il a juste 16 ans et va parce qu’il courre après les beaux yeux de Leïla se retrouver en Lorraine, au fond d’une mine. Il descend la peur au ventre « je n’avais pas encore commencé le travail et déjà j’étais en enfer ». Le travail de la mine est dur il est « incapable de dire un mot, incapable de penser, seulement tenir debout  ».
La vie avance, le mariage avec Leïla, la naissance des enfants, les bons côtés de la mine, les fêtes, les copains, et le syndicat. Mais « Le déclin des mines a commencé et nos grèves désespérées n’y peuvent rien changer ! »
Quand à la retraite il retourne en Algérie, il est un étranger dans son pays, un immigré ! il essaie de s’y construire une vie, mais c’est impossible et c’est Leïla qui a le dernier mot « Jamais je ne vivrais ici Ahmed (...) je suis et je reste française, définitivement ..Inch’Allah ! » et à la mort de sa femme il continue de partager son temps entre la Moselle et la Kabylie.
1973 Saïd lui est marocain, un jour un bruit court « La France recrute des mineurs ». Vite direction Ouarzazate pour se mettre sur les rangs. Il s’agit là d’une quasi foire à l’humain, pesés, examinés, tripotés, et la promesse vertigineuse d’un salaire de 44 francs par jour !
Saïd est retenu, il porte même un matricule, il reçoit le papier, « le sésame pour l’Eldorado ». C’est le bateau pour la France, direction Forbach en Lorraine où il va d’abord se former dans une mine-image, le matin il apprend le boisage, le forage et l’après-midi à lire et à écrire. Et il apprend Saïd « l’entraide, la hiérarchie, le monde souterrain, le vocabulaire de la mine, les mots en platt, le patois lorrain, plein de mots bizarres même pour un français. »  Mais la mine c’est aussi la peur, l’humidité, la poussière.
1980 sa première grève pour obtenir le même statut que les mineurs français, une grève dure « Les mille trois cent mineurs marocains célibataires tiennent bon » et finissent par obtenir gain de cause.«  Nous les moins que rien, les couscous, les bougnoules, les immigrés, nous avions gagnés. » Amina sa femme restée au bled va pouvoir le rejoindre avec leur fils Samir. Les enfants grandissent, font des études, la retraite et une vie qui va se partager entre le Maroc et la France.
Jean-Paul Wenzel  a écouté des dizaines d’hommes pour écrire ces deux histoires, Ahmed et Saïd n’existent pas vraiment mais ils sont un peu de chaque immigré venu ici pour subsister, pour faire vivre une famille, pour vivre une vie rythmée par le travail. Pour faire tourner les usines, les mines, les chantiers.
A travers eux il donne un visage à ces hommes déracinés qui n’ont pas souvent l’occasion de faire entendre leur voix.
Un beau et fort récit dont vous pouvez retrouver quelques voix dans cette vidéo car ce récit est aussi une pièce de théâtre, ce n'est pas l'écriture qui prévoit mais la vérité des hommes.

L'auteur
Jean-Paul Wenzel est . Né en 1947 à Saint-Etienne, il s'est intéressé au cours de sa carrière au quotidien, aux minorités, aux exclus.
Il est l’auteur d’une quinzaine de pièces de théâtre. Il est aussi metteur en scène et comédien.


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