Il y a bientôt un an, j’avais consacré un billet intitulé Délinquance suite à l’émission de Thierry Ardisson, Salut les Terriens, diffusée sur Canal+. Eric Zemmour s’y était écrié : « C'est parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, et c’est comme ça, c'est un fait ».
J’avais remarqué dans le billet cité ci-dessus que M. Zemmour, en parlant de trafiquants « noirs et arabes », avait commis une faute de français. Je suppose qu’il voulait dire noirs ou arabes. N’étant pas, à la différence de ce journaliste, omniscient, je ne puis être formel mais, s’il existe des Noirs musulmans, je ne pense pas qu’un Arabe puisse avoir la peau noire. Il est donc physiquement impossible que les trafiquants noirs et arabes constituent la majorité de ces délinquants.
J’avais rappelé dans ce même billet que les seules indications relevées à propos du responsable d’une infraction sont : homme ou femme, mineur ou majeur et français ou étranger. On n’y trouve donc rien qui permettrait d’évaluer la prépondérance de telle ou telle catégorie des personnes vivant en France. Et avant de pouvoir réaliser des statistiques ethniques, il conviendrait de définir comment on détermine qui est arabe et qui est noir : selon le teint ? Selon la nationalité ou la consonance du patronyme ? Et comment considèrerait-on le fruit d’un mariage mixte entre européen(ne) et arabe, ou entre européen(ne) et noir(e) ou entre noir(e) et européen(ne) ? Pourquoi ne pas en venir à compter les grands-parents de telle ou telle catégorie afin de définir un taux d’aryanité comme au siècle dernier ?
J'ai remarqué récemment comment de telles catégorisations pouvaient être fragiles. Aux Etats-Unis d'Amérique, devant indiquer sa "race" sur un questionnaire officiel, un individu blanc cochera la case "caucasian". En Russie, l'attentat perpétré à l'aéroport de Moscou a été attribué à des Caucasiens; c'est-à-dire à des personnes originaires d'une République d'Asie centrale, vraisemblablement des Tchéchènes musulmans. Cocasse, non ? Surtout au Caucase !
Les défenseurs de Zemmour dénoncent une atteinte à la liberté d’opinion. Ils se trompent. On a parfaitement le droit d’estimer que telle ou telle catégorie de personnes est majoritaire dans une population donnée. On exprime ainsi une pensée qui peut être juste ou erronée. Mais lorsqu’Eric Zemmour ajoute « c’est un fait », il quitte le domaine de l’opinion. Il peut avoir ce sentiment, l’exprimer, le partager avec d’autres personnes, mais aucun d’entre eux n’est en mesure de prouver l’exactitude de ce propos. Il ne peut définir qui est arabe ou qui est noir et ne peut produire des données mesurables et vérifiables étayant son affirmation péremptoire. Il est libre d’exprimer sa conviction mais n’a pas le droit d’ajouter : « c’est un fait ».
S’il a été relaxé ce 10 février de l’accusation de diffamation, il a par contre été condamné pour provocation à la discrimination raciale suite à une autre déclaration dont je parlerai bientôt.