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Fédéralisme, référendum et libertés

Publié le 21 février 2011 par Lecriducontribuable
Iref

Le juge fédéral Vinson a déclaré inconstitutionnelle la loi sur l’assurance maladie publique obligatoire. Cette décision rappelle que le pouvoir fédéral a des limites, et que le peuple peut se prononcer par referendum. Analyse par Maître Jean Philippe Delsol, administrateur de l’IREF.

Par une décision du 31 janvier dernier, le juge fédéral américain Roger Vinson vient de déclarer inconstitutionnelle la loi signée le 23 mars 2010 par le Président Obama, dite ObamaCare, obligeant les Américains à souscrire une assurance de santé. Cet arrêt, très circonstancié et motivé, est en fait un plaidoyer pour le fédéralisme des pères fondateurs, en même temps qu’une ode à la liberté.

Les plaignants réunissaient tout à la fois des personnes physiques, la Fédération Nationale de Entrepreneurs Indépendants, mais aussi 26 Etats. Etait principalement attaquée, comme attentatoire à la liberté individuelle, la clause de la loi selon laquelle les citoyens qui ne souscriraient pas d’assurance santé à partir de 2014 encourraient une pénalité.

Les limites du pouvoir fédéral

Pour déclarer l’inconstitutionnalité de cette loi, le Juge Vinson a opéré une longue et minutieuse analyse du rôle du gouvernement fédéral et des pouvoirs du Congrès par rapport aux Etats et aux individus. Il a situé son arrêt dans l’esprit des Pères Fondateurs. Quand le Bill of Rights a été ajouté à la constitution en 1791, le 10ème amendement a réaffirmé que « les pouvoirs non délégués au niveau fédéral par la constitution, ni retirés par ailleurs aux Etats, sont réservés aux Etats et au peuple ». Les Pères Fondateurs ont ainsi inscrit dans le marbre les limites du pouvoir fédéral qui est résiduel, subsidiaire dirions nous aujourd’hui, afin « d’assurer la protection de nos libertés fondamentales » et « réduire les risques de tyrannie et d’abus ».

Jamais jusque là, note le juge Vinson, le Congrès n’a obligé quiconque à acheter un produit d’une société privée pour la seule raison qu’il est un être vivant et qu’il réside aux Etats Unis et jamais ne devra-t-il pouvoir le faire. Il est étonnant, écrit-il encore, que la nation qui s’est formée par réaction à la volonté des Anglais de taxer le thé qu’ils lui vendaient au travers d’un monopole, ait pu envisager que son gouvernement soit susceptible d’obliger ses citoyens à acheter des produits, qu’ils soient du thé ou des produits d’assurance.

Certes, les conducteurs d’automobiles sont obligés de s’assurer, même aux USA. Mais il s’agit alors d’une assurance contractée d’abord pour protéger les tiers. Ainsi, en France l’assurance automobile peut-elle être limitée « aux tiers », c’est dire au remboursement des préjudices causés par le conducteur aux victimes de ses actes. Alors que l’assurance santé est une assurance pour soi-même. Bien sûr la liberté de ceux qui ne s’assurent pas a un coût pour la collectivité qui prend en charge tous les malades, assurés ou non. Aux Etats-Unis cette charge a représenté 43 milliards de dollars en 2008, soit 2% des assurances de santé. Mais le juge Vinson considère sans doute (il ne le dit pas expressément) que c’est le prix qu’il faut payer pour préserver la liberté individuelle. Au surplus, il est vraisemblable que ces 2% de surcoût sont inférieurs, et peut-être largement, à ce que coûterait ou coûtera la mise en place d’un système fédéral obligatoire et sans doute rapidement fonctionnarisé.

Plus encore et surtout, la défense de ce fédéralisme est le creuset des libertés et des initiatives qui ont fait des Etats-Unis un pays fort et un champion de la démocratie, en dépit de certains excès et de réactions parfois primaires. Terre d’aventure et de découverte : c’est cette image des Etats-Unis que le juge veut protéger, dans l’intérêt du pays comme de son peuple.

Les vertus du libéralisme référendaire

Ce fédéralisme, surtout lorsqu’il est renforcé par une démocratie directe et référendaire très active, est aussi et corrélativement la meilleure protection contre l’oppression fiscale à laquelle tendent tous les Etats centralisés.

En Suisse, une pétition de 50 000 personnes (0,6% du corps électoral) suffit pour déclencher un référendum ; il en faut 2 à 5 % aux USA dans les nombreux Etats et communes qui le pratiquent (ces seuils étant plus élevés lorsqu’il s’agit de modifier la constitution). Certes le référendum est aussi possible dans d’autres pays tels que l’Italie ou l’Allemagne, mais il y est exclu qu’une demande de référendum puisse être présentée contre les lois fiscales ou budgétaires.

Dans les Etats américains et cantons suisses qui pratiquent le référendum, la pression fiscale est de 30% inférieure, et le déficit public de 50% moindre que ceux des Etats centralisés qui ne connaissent que la démocratie représentative.

Il faut donc souhaiter que l’Europe sache prendre modèle sur ce fédéralisme référendaire où la concurrence entre Etats est le garant de la liberté des peuples.

Le Traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2009 prévoit l’initiative citoyenne : « Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités » (article 11 du Traité sur l’Union Européenne). Les règles d’application de l’initiative citoyenne seront fixées par un règlement communautaire. Ces règles communautaires ne seront vraiment efficaces que si l’initiative référendaire n’y est pas entravée de mille obstacles institutionnels comme en Italie ou en Allemagne et si elle peut s’élever contre toutes initiatives fiscales des institutions européennes, à l’encontre de ce qui se passe en Italie et en Allemagne.

Source : Institut de recherches économiques et fiscales (Iref)

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