C’est un film devenu mythique. A l’époque (1985) , il a provoqué autant que je m’en souvienne des réactions multiples, contradictoires et bien souvent faussées par une aura intellectuelle qui le réservait à des cercles très avertis. Je ne l’avais jamais revu depuis, et en le redécouvrant j’invite quiconque aime le cinéma à prendre un peu de son temps pour assister à la renaissance d’un chef d’œuvre.
En s’inspirant d’un roman de Manuel Puig , Hector Babenco traite, d’un sujet peu commun à l’époque , l’homosexualité ,dans un contexte politique et social, très tendu,.Nous sommes en Amérique Latine . Son propos s’appuie sur le huis clos d’une cellule dans laquelle se retrouvent deux prisonniers qui n’ont rien de commun .Valentin, un journaliste révolutionnaire, et Molina, un étalagiste homosexuel, condamné pour une affaire de mœurs.
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Le face à face qui s’installe alors n’a rien de manichéen dans l’approche des deux individus, Hector Babenco laissant aux comédiens le soin de prendre la réelle dimension de leur personnage. Et ils le font merveilleusement bien. William Hurt, étonnant travesti ( prix d’interprétation à Cannes) joue sur une large palette de sentiments, sans jamais trahir les traits de sa personnalité. Plus psychologique, Raul Julia en militant absolu, a la retenue nécessaire pour ne pas caricaturer un profil si commun pour les metteurs en scène avides de sensations fortes.
Et malgré le décorum carcéral, la stature théâtrale des personnages, ils ne se donnent jamais la réplique, mais vivent à tour de rôle leur propre enfermement, pour savoir qui de l’autre , l’emportera.L’un tentant de convaincre de la nécessité de son combat, (en cela il accepte son incarcération et les tortures) , alors que son voisin ne pense qu’à s’évader avec de vieux films au romantisme suranné.
Molina raconte ainsi tout au long de leur détention cette histoire de femme résistante qui se laissera séduire par un officier allemand. Ce film qui se déroule sous nos yeux ( un échappatoire aussi pour le spectateur ) n’a rien d’anodin pour Valentin, qui à la vision amoureuse de son co-détenu, lui renvoie sa propre image et celle d’un pays en proie à l’abandon et à la lâcheté.
Un prix d'interprétation à Cannes , pour William Hurt
La rhétorique semble amadouer le jeune homme, tandis que son vis-à-vis, fatigué par le régime carcéral en vient à le considérer sous un autre jour. L’animosité des premiers jours se transforme sinon en amitié, tout du moins en une reconnaissance mutuelle qui pourrait ressembler à de l’espoir. La suite qu’il est difficile de révéler ( de l’action et du suspense, le film n’en manque pas ) mettra à rude épreuve ces premiers pas fraternels. Le scénario, formidablement bien structuré, nous réserve encore bien des surprises, de grandes scènes de cinéma et les palpitations que suscitent les œuvres hors du commun.
Les bonus
« Manuel Puig » : les secrets de la femme araignée (9 mn)
Avec des images d’archives, le parcours du romancier est ici décrypté à travers sa préoccupation des figures féminines dans le cinéma hollywoodien des années 40. Et principalement de l’archétype de la femme soumise, souvent évoquée dans ses romans.
Il est aussi question de son exil d’Argentine sous la pression du régime dictatorial de l’époque. Il en fera des romans, mais jamais politiques car, il n’y croit pas. « Si les personnages existent, ils imposent véritablement un contexte politique ».
« La femme araignée tisse sa toile » de David Weisman (2008- 104 mn )
C’est un long, très long documentaire que j’ai trouvé un peu bavard et parfois brouillon. Il nous fait découvrir toute l’histoire de ce film, en compagnie des acteurs et du réalisateur. Hector Babenco du batailler ferme (plus d’un an) pour obtenir les droits du roman. On apprend que Burt Lancaster était à l’origine retenu pour le rôle de Molina. « J’étais sans voix quand on me l’a proposé » raconte le producteur « l’une des figures du machisme hollywoodien jouer une folle au fond d’une geôle sud-américaine, c’était édifiant et lumineux « .
Burt Lancaster travaillera le rôle, et le scénario «tellement différent du notre que cela ne pouvait aboutir ». Mais bon prince, son nom apparaît dans les remerciements du générique de fin.