Souvenez-vous de ce poème de Prévert :
"Je suis faite pour plaire
Et n’y puis rien changer
Mes talons sont trop hauts
Ma taille trop cambrée
Mes seins beaucoup trop durs
Et mes yeux trop cernés
Et puis après
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Qu’est-ce que ça peut vous faire" (Extrait Je suis comme je suis - Jacques Prévert)
Outre tout un tas de choses, ce poème soulève le droit à la différence, le droit d'être ce que l'on est sans avoir à ramasser tout un tas de quolibets.
Deux événements, cette semaine, ont retenu mon attention. Ils ne sont pas pleinement identiques, mais il me semble que l'on peut trouver des points similaires.
Le premier s'est déroulé chez les Fauteuses, avec l'article de Rebecca Yulli : vie et opinion d'une poilue heureuse. Il s'agissait ici d'un simple témoignage d'une femme qui a décidé, pour de multiples raisons, de ne plus s'épiler. Ceci a provoqué une vive émotion, certaines ont pris cela comme une attaque contre leurs propres pratiques. J'avoue ne pas avoir compris ces réactions! Pour ma part, la première fois que j'ai lu cet article, je me suis seulement dit que c'était bien d'arriver à assumer ses choix, j'étais même un peu admirative! Car personnellement, bien que je haïsse profondément m'épiler pour tout un tas de raisons, je continue de le faire car le regard des autres me gênerait (et le mien aussi, je crois). Les Fauteuses avaient également publié le témoignage d'une pilophobe anonyme et, bizarrement, il n'a provoqué aucune réaction. Vouloir s'affirmer différemment ne plait pas et certains l'interprètent comme une provocation, voire même une attaque.
Le deuxième événement, je l'ai découvert via le blog de Caroline. La blogueuse Big Beauty s'est présentée à un concours de mode organisé par Arte (d'ailleurs, vous pouvez voter ici), et les commentaires sont édifiants. Vous imaginez, elle ose faire un concours de mode alors que son corps ne respecte pas les codes esthétiques en vigueur! Là encore, les personnes semblent dépassées par cette démarche personnelle et n'hésitent pas à insulter Big Beauty! Peut-être que ça les renvoie aux combats qu'elles mènent quotidiennement pour respecter les diktats et que cela génère une frustration de voir une fille s'assumer telle qu'elle est?
Je n'arrive pas réellement à cerner ce qui peut générer des réactions si violentes. Ce que je sais, c'est que le droit à la différence ne va pas de soi et que tous les jours on entend des remarques insidieuses. Une amie, que j'affectionne beaucoup et qui est profondément tolérante, me parlait un jour de Beth Ditto : "tu te rends compte, à la fin de son concert, elle était presque à poil, c'est dégueulasse quand même." Si ça avait été Charlotte Gainsbourg (bien que cela paraisse improbable), cela aurait été sexy, érotique, culotté mais sûrement pas dégueu. Autre exemple : il y a quelques temps, un magazine féminin se moquait de Julia Roberts car ses aisselles n'étaient pas épilées. Vous imaginez, Pretty woman avec du poil sous les bras, c'est une aberration!
Nous sommes formatés (et moi la première!) par tout un tas d'images, de représentations et parfois on ne s'en rend même plus compte. Nous sommes soumis à tout un tas de préceptes : le tout écolo, travailler plus (sans gagner forcément plus), la minceur... Il semble impossible de se monter contre toutes ces normes et nous sommes tous, à différentes échelles, aliénés par celles-ci. Aujourd'hui, le défi est de prendre conscience de cette aliénation (parfois de la combattre, mais personnellement je ne suis pas capable de renoncer à ma pince à épiler et d'afficher ouvertement mes bourrelets, pourtant j'aimerais en avoir le courage!) et de ne pas oublier ce droit fondamental qui est celui d'être différent.