Le président égyptien plus ou moins sortant et en villégiature à Charm el Cheikh, nous assène une leçon d’histoire : les régimes tombent rarement sous la pression extérieure et se défont plutôt de l’intérieur.
Louis XVI s’est « dégonflé » en coiffant lui-même le bonnet phrygien aux Tuileries. Le Shah d’Iran avait fui son pays, sous l’effet de la maladie et de la déprime. Gorbachev a perdu le pouvoir pour n’avoir pas donné l’ordre de tirer sur les indépendantistes baltes.
Mais un despote qui ne se laisse pas démonter par la rebellion, comme Deng Xiaoping face aux émeutes de Tian Anmen, meurt le plus souvent dans son lit. Moubarak pour l’instant est plutôt côté chinois que tunisien : il a négocié sa retraite et ses indemnités de licenciement avec ses camarades militaires. Pour l’instant, en dépit des apparences, le statu quo l’emporte puisque le régime est sauvé par lui-même. La devise des armées tunisiennes et égyptiennes pourrait être celle des Lampedusa : » Tout changer pour que rien ne change ». L’ armée conserve le pouvoir et l’argent.
Ce qui laisse entiére la question égyptienne : celle de la représentation politique, certes , mais plus encore celle de l’impasse économique. L’ économie égyptienne reste socialiste ( depuis Nasser qui avait tout nationalisé et expulsé les entrepreneurs ), tempérée par le clientélisme : impossible de créer une activité sans relation, sans corruption, sans parrainage par le parti unique ou l’armée .
Un autre enseignement général de cette rebellion cairote ( plus qu’égyptienne, car on a vu peu de paysans et de gens modestes au coeur de la révolution) : rien de plus périlleux pour un régime autoritaire que de créer ou laisser se créer des universités, usines à chômeurs, qui chaque année génèrent une lumpen intelligentsia, à Tunis, au Caire et à Pékin. Les grandes révolutions, à terme, sont l’oeuvre des diplômés frustrés dont Robespierre, Mao Zedong et Lénine.