Celle-ci confirme le taux élevé de l’indicateur conjoncturel de fécondité des femmes françaises. En augmentation constante depuis plusieurs années, il atteint 2,012% pour l’année 2010 et caracolera vraisemblablement, une fois encore, en tête des pays membres de l’Union européenne. Pourtant, si le projet de révision de la directive était adopté, cela entraînerait de nombreuses (et couteuses !) modifications du régime français d’assurance maternité, sans aucunement en garantir une meilleure effectivité. Cherchez l’erreur…
Dans ce cadre, le Parlement européen a vraisemblablement opté pour la surenchère médiatique. Quant au Conseil européen, il préfère jouer la carte du mystère : il laisse planer un doute exaspérant en ne révélant pas sa position en 1ère lecture. En somme, ils ” teasent”.
A en croire qu’ils ont tous deux parfaitement assimilé les ficelles des taux d’audience des soaps ! Reste à savoir si les taux d’audience et la qualité des dialogues suivront.
Une storyline féconde en rebondissements
Octobre 2008 : soucieuse d’améliorer la conciliation vie professionnelle / vie privée des femmes, la Commission européenne propose de réviser la directive du 19 octobre 1992, notamment en allongeant la durée du congé maternité de 14 à 18 semaines.
Bien que partageant l’objectif poursuivi par la Commission, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP) a pris position en avril 2009 contre cet allongement en s’appuyant principalement sur l’efficacité de notre réglementation nationale (http://www.etudes.ccip.fr/rapport/101).
Malgré cette opposition, après deux rapports successifs (et différents !) de la même députée, Mme Edith Estrella, le Parlement européen a adopté, le 20 octobre 2010, une résolution législative estimant nécessaire d’augmenter le congé maternité à 20 semaines et de créer, en sus, un congé de paternité obligatoire de deux semaines, tous les deux étant intégralement payés. Le 6 décembre 2010, le Conseil emploi, politique sociale, santé et consommateurs a sèchement retoqué la proposition du Parlement européen… sans, pour autant, donner sa position en première lecture. Seul indice : la proposition formulée par la Commission constituerait désormais la base de discussion au Conseil.
Le supercouple Parlement-Conseil, en ménage forcé dans le cadre de la procédure de codécision, semble décidément passé maître dans l’art délicat du teasing.
Dernier rebondissement en date : la participation, en tant que guest star, du taux de fécondité français. Gageons que les relations entre Parlement et Conseil ne s’en trouveront pas apaisées.
Taux élevé de fécondité français : une guest star récurrente
La lecture de l’étude 2011 sur la population française, publiée il y a quelques jours par l’INSEE, ne laisse aucune place au doute : la France confirme une nouvelle fois son leadership européen en matière de fécondité (http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATnon02231.
Jugez-en par vous-mêmes :
- depuis 2008 cet indicateur se situe au-dessus de 2%, alors que la moyenne des Etats membres de l’UE peine à dépasser 1,5% (http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=98&ref_id=CMPTEF02215).
- l’indicateur conjoncturel de fécondité est à son plus haut niveau : 2,012% (contre 2,001 en 2009[1]).
L’effectivité du régime français de maternité constitue donc un fait incontestable : il a trouvé le juste milieu entre, d’un côté, les objectifs de conciliation vie privée/vie professionnelle et la promotion de la natalité et, de l’autre côté, les finances des entreprises et l’employabilité des jeunes femmes.
Imposer de lourdes et dispendieuses modifications au régime français risque d’être mal compris par l’ensemble de la société française. Ceci est d’autant plus vrai que les avantages escomptés sont difficiles à chiffrer puisqu’ils sont évalués à l’aune de critères qualitatifs souvent non quantifiables : santé et développement des enfants, santé des parents, fertilité, participation des femmes au marché du travail, égalité des genres au travail et au domicile. Même si cela ne diminue en aucun cas leur importance, l’incertitude qui en découle mérite au moins qu’on s’interroge.
Inopportun au plan national, le projet de révision l’est aussi au plan communautaire. En effet, les mesures envisagées par la Commission – et a fortiori celles envisagées par le Parlement – freineraient vraisemblablement l’accès à l’emploi des jeunes femmes. Or, le seuil de 75% de participation des femmes au marché du travail, fixé par la Stratégie UE 2020, ne peut être atteint qu’en augmentant l’employabilité des plus jeunes d’entre elles.
En primetime : le coût prohibitif de l’allongement du congé maternité
Pour éclairer les députés sur le coût et les avantages d’un allongement du congé maternité associé au maintien intégral du salaire, le Parlement européen a commandé une étude d’impact. Rendue publique le 5 octobre 2010, elle estime, pour la France, le coût annuel de la réforme envisagée par le Parlement à 1,429 milliards d’euros dans l’hypothèse d’un taux de remplacement de 30% et à 621 millions d’euros lorsqu’il est porté à 80%.
Vous conviendrez avec moi qu’un seul adjectif sied à ce projet : prohibitif. Ceci est d’autant plus vrai compte tenu de la morosité économique et sociale actuelle. S’agissant plus particulièrement de la France, ce constat transmute en véritable paradoxe. En effet, nonobstant son taux élevé de fécondité, la France se retrouve dans le peloton de tête du palmarès, cette fois-ci nettement moins enviable, des pays européens à qui cette réforme couterait le plus cher. Elle truste même la première place dans l’hypothèse d’un allongement du congé à 20 semaines et d’un taux de remplacement de 30% !
Cerise sur le gâteau, la question du financement n’a été envisagée qu’à la marge par les auteurs de cette étude et ne ressort d’ailleurs pas de la résolution législative du Parlement du 20 octobre 2010. C’est pourtant un point crucial : si l’argent nécessaire ne peut pas être trouvé et affecté, il est à l’évidence stérile de tergiverser sur les prétendus avantages de cette révision. Est-elle alors vouée à rester lettre morte ? Pour l’heure, les conséquences de la crise financière imposent aux différents gouvernements de réaliser des économies drastiques, aux entreprises de repenser leur stratégie et bien souvent de se restructurer, et aux personnes physiques de se serrer la ceinture. Il est donc parfaitement exclu que les Etats, tout comme les contribuables ou les entreprises, prennent ce coût à leur charge. La compétitivité des entreprises françaises et le pouvoir d’achat des français seraient impactés de plein fouet. Cette révision de la directive maternité est donc actuellement irréaliste et dangereuse. CQFD.
On attend donc avec une impatience non dissimulée le prochain épisode : la position du Conseil en 1ère lecture, qui ne saurait d’ailleurs tarder. J’espère qu’il saura, dans un premier temps, raison garder au regard de l’importance des coûts et de l’incertitude des avantages escomptés et, dans un second temps, convaincre sa tendre moitié de suivre le judicieux conseil de la CCIP : maintenir les règles actuelles en vigueur (http://www.etudes.ccip.fr/rapport/101).
[1] La différence avec les chiffres publiés par l’INED mérite d’être soulignée (1,98% en 2009), mais s’explique par le fait que seule la France métropolitaine y est prise en compte. Qui plus est, la France n’en reste pas moins à la tête du classement (http://www.ined.fr/fr/pop_chiffres/pays_developpes/indicateurs_fecondite/).