Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Si j’ai mis trois semaines pour me décider à vous pondre un treizième « poulet de presse », ce n’est pas par superstition mais simplement parce qu’il s’est trouvé plusieurs semaines où je n’ai plus eu le temps de lire la presse écrite. Enfin, assez discuté, on y va.
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Sortie de secours, n°21 (février-mars 2011) : Lire un magazine culturel, c’est agréable, mais ça l’est encore plus quand on y parle d’artistes qu’on aime bien et que les rédacteurs, au lieu d’essayer de vous dire ce que vous devez aimer et ce que vous devez détester, se contentent de parler de ce qu’ils aiment et vous permettent d’apprendre des choses à ce sujet. De ce côté-là, on est servi avec Sortie de secours, le magazine culturel de l’Université de Bretagne occidentale, dont je vous ai déjà parlé ; ben oui, il faut fréquenter l’U.B.O. pour avoir une chance de le lire, c’est donc simplement pour soutenir ceux qui fabriquent ce journal que je vous en parle. Du côté des artistes que j’aime, donc, il y a la grande Loreena McKennitt, dont je vous ai déjà parlé récemment, qui est à l’honneur avec un bel article que lui consacre Anne-Sophie Bertin à l’occasion de son dernier album sorti en France en novembre dernier ; la description que donne Anne-Sophie de Loreena (« un visage au teint diaphane qu’encadre une longue chevelure de feu, un regard mélancolique perdu dans le lointain ») m’a d’ailleurs bien aidé pour dessiner « la déesse celte » comme elle l’appelle. Il y a aussi la merveilleuse Juliette, chroniquée par Mélissa Bitaud à l’occasion de la sortie de son nouveau disque, « No Parano ». Deux pages pour chacune de ces deux bonnes fées de la musique, ce n’était pas trop ! Signalons également le sympathique article d’Amélie Le Borgne sur le Rubik’s cube ; sympathique et bienvenu car c’est un jeu apprécié mais dont on ne sait pas grand’ chose, en fin de compte. Sortie de secours consacre aussi neuf de ses vingt-huit pages (soit un quart !) au cinéma, ce qui est bien utile pour ceux qui, comme moi, ne sont pas très cinéphiles. Je me permettrais cependant de signaler à David Roué que « tirer sa révérence » signifie s’en aller après avoir salué et peut donc servir pour parler de quelqu’un qui prend sa retraite mais sûrement pas d’une personne qui passe de vie à trépas comme il l’utilise pour parler de la disparition de Leslie Nielsen, Blake Edwards, Claude Chabrol et autres monstres sacrés du cinématographe disparus au cours de l’année 2010 ; il faudra dire aussi à Romain Rambault qu’on écrit « c’est là que le bât blesse » et non « c’est là que le bas blesse » comme il l’écrit à l’ouverture de son article sur Tobe Hooper. Bon, je sais, c’est de la maniaquerie de littéraire amoureux de la langue française, mais hormis ces quelques erreurs bien pardonnables, il n’y a pas grand’ chose à critiquer dans ce journal fabriqué par de braves petits étudiants brestois qui s’avèrent pourtant avoir autant de choses à dire sur la culture que les pisse-froids des magazines vendus dans la France entière – ce qui donne à réfléchir…
TV magazine (6 février 2011) : À la une du programme télé vendu en supplément des quotidiens du grand Ouest, les deux faces opposés de la culture : Patrick Poivre d’Arvor, interviewé pour répondre aux accusations de plagiat dont il est l’objet notamment par rapport à sa biographie d’Hemingway, et Renaud, interviewé pour répondre aux rumeurs qui courent sur sa vie. En quoi sont-ce deux faces opposées de la culture, me direz-vous ? Vous allez comprendre, mais laissez-moi parler de ce que j’ai lu. Est-ce que P.P.D.A. a vraiment plagié un bouquin tombé dans l’oubli ? Sincèrement, je n’en sais rien, et je m’en fous : même s’il n’avait pas été accusé de plagiat, je n’aurais jamais eu aucune envie d’acheter et de lire son livre. Ce qui m’effare, dans l’interview qu’il accorde à TV magazine, c’est la condescendance avec laquelle il se défend : il souligne d’abord que L’express, qui avait signalé les passages laissant penser qu’il y a eu plagiat, est « un magazine en difficulté » qui aurait essayé de « profiter d’une fragilité supposée pour se relancer ou pour vendre ». C’est assez classique : quand une vedette fait l’objet de critiques désobligeantes, elle se défend en présentant la personne qui lui tient tête comme un individu jaloux de son succès au point de vouloir en profiter pour faire parler d’elle : Guy Lux avait fait la même chose avec Guy Bedos… Ensuite, P.P.D.A. joue les victimes de la gloire avec « si un autre que moi avait eu ce problème, il n’y aurait pas eu une ligne dans les journaux » : il « oublie » surtout que s’il présentait encore le 20h sur TF1, il aurait bénéficié de la projection de l’empire Bouygues qui aurait étouffé dans l’œuf ces accusations ; le plagiat est une pratique malheureusement courante, souvent passée sous silence grâce à des relations bien placées. Il « oublie » aussi que s’il n’avait pas été une star de la télé, il n’aurait pas pu se défendre dans un magazine consacré à la télévision, où les intervieweurs sont moins exigeants quant à la qualité des réponses fournies que dans les vrais journaux littéraires, témoin la question d’Emmanuel Galiero (larbin, va !) qui défend la thèse de la jalousie voire du complot en lui demandant « qui vous veut du mal ? »… Bref, une interview aussi vulgaire qu’un 4×4 immatriculé 92 garé sur une place pour handicapés. Et Renaud, de son côté ? Il répond de façon nette et tranchée aux rumeurs circulant sur sa vie personnelle et on sent bien qu’il ne ment pas : vous croyez que quelqu’un qui avoue qu’il n’est « pas un bon père » pour son jeune fils Malone mentirait ? Sa vie privée, notez, ne m’intéresse pas outre mesure, et je retiens surtout de son interview son aveu d’une inspiration tarie ; on peut penser ce qu’on veut de ses derniers disques, mais je n’ai pas envie de parler de lui en mal, ne serait-ce que parce qu’après tout, il a déjà une œuvre aussi riche par la qualité que par la quantité et qu’il serait indécent de lui reprocher de ne plus avoir la fougue de ses vingt ans ; on verra comment on sera à son âge… Et puis comment peut-on accuser de récupération complète quelqu’un qui traite la tournée des Enfoirés de « grand cirque carnavalesque » ? Ça n’a l’air de rien, mais au regard de ce qui se fait habituellement dans les media, c’est déjà une preuve de non-soumission au politiquement correct ! Voilà pourquoi P.P.D.A. et Renaud représentent pour moi les deux faces opposés de la culture : d’un côté, le people sans talent particulier mais qui a pour sa personne une haute estime et qui a besoin du scandale pour faire parler de lui ; de l’autre, l’artiste dont le talent n’est plus à prouver mais qui n’a pas honte d’avouer ses défauts et dont la discrétion sur sa vie privée éveille des rumeurs qu’il juge superflues pour faire parler de lui. La « culture » qui se vend parce qu’elle est lancée avec force par la publicité contre la culture qui se vend parce que les gens l’aiment vraiment, quoi…
Le Télégramme de Brest, n°20.409 (12/02/2011) : Pendant les portes ouvertes de l’U.B.O., l’équivalent breton de votre Républicain lorrain était offert « gracieusement » aux visiteurs, avec l’annonce d’un dossier consacré à l’Université de Bretagne Occidentale ; il faudrait porter plainte pour publicité mensongère car, en fait de dossier, vous avez juste une demi-page avec un plan du campus brestois et la présentation, expédiée en un paragraphe, de chacun des composantes dudit campus… Ah, mais ils ont fait de la place pour faire un grand dossier sur la révolution en Égypte et le départ de Moubarak, survenu hier ? Ben non, ils n’y consacrent deux pages après lesquelles on tombe sur une interview d’un certain Jean de Kervasdoué, encravaté issu d’une aristocratie passablement usurpée et à l’air aussi rigolo que ses fonctions : « économiste de la santé, agronome, professeur au Conservatoire national des arts et métiers »… Et qu’est-ce qu’il vient nous dire, ce gazier ? Que le principe de précaution est un frein au progrès scientifique, que nous devons laisser Monsanto pourrir la planète avec ses poisons transgéniques qui n’ont d’autre but que de rendre leurs plants résistants face aux pesticides de plus en plus virulents dont on asperge la nature et qui tuent les abeilles, précipitant ainsi la fin du monde. Il dit aussi que « le problème du Mediator était moins le fait qu’il présentait un risque que le fait qu’il n’apportait aucun bénéfice »… Hé, m’sieur, il vous a payé combien, Servier, pour dire ça ? Ceux qui ont été tué par ce médoc bidon n’ont plus les moyens de rire de vos blagues, merci ! Et pour finir en beauté, sa grandeur, qui a sans doute des actions chez Areva, pointe « l’erreur » qu’aurait faite l’Allemagne en décidant de « renoncer au nucléaire en 2020, alors que l’Allemagne produit deux fois plus de gaz à effet de serre que nous » : cette phrase ne veut rien dire si ce n’est que l’Allemagne produit plus de gaz à effet de serre que nous TOUT EN CONTINUANT à utiliser le nucléaire ! Ça ne veut pas dire qu’elle en produira plus quand le nucléaire civil sera totalement abandonné ! Et puis monsieur de Kervasdoué « omet » de dire que si l’on tient compte des déchets nucléaires qui resteront nocifs pendant des centaines de milliers d’années, de la facture d’électricité, des frais d’enfouissement discret et de stockage, l’énergie nucléaire est bien l’énergie la plus chère et la plus conne qui soit au monde…
Si vous n’êtes pas déjà en train de vomir votre repas et celui de la veille, je me permets de signaler le commentaire d’Anna Cabana relativement à l’intervention de notre demi-président sur TF1 la semaine dernière : « le président a pris le risque de cette épuisante émission face aux Français » dit-elle pour commencer… Risque ? Épuisante ? Une discussion avec neuf Français sélectionnés par les employés de son ami Bouygues alors que, dehors, il y avait des milliers de magistrats et d’enseignants en colère ? Madame Cabana reconnaît d’ailleurs plus loin qu’il n’y avait même pas de syndicaliste et que les Français présent sur le plateau « se sont révélés confus et, ô combien, peu incisifs. Or, Sarkozy n’est jamais aussi bon que face à l’adversité. Dommage. » Oui, dommage ! Face à l’adversité, la vraie, on aurait sans doute eu l’occasion de le voir sortir un « casse-toi, pôv’con » ou un « descend si t’es un homme » dont ce grand diplomate a le secret ! J’ajoute, élève Cabana, que vous ne citez à aucun moment l’émission pour prouver ce que vous avancez, ce qui vaut un point en moins dans une copie de bac ! Même remarque quand vous dites que Bayrou a déjà renoncé à son rêve élyséen sans vous appuyer sur aucun fait… Cela dit, on comprend mieux la teneur du texte de cette dame quand on tourne la page et que l’on tombe sur toute une page envahie par une image publicitaire pour une émission diffusée sur TF1, image dont la vulgarité insondable est à peine atténuée par la présence de la gracieuse Adriana Karembeu parmi divers trous du c** du show-bizness… Le Télégramme n’est pas du genre à mordre la main qui le nourrit ! Par pure charité chrétienne, je m’abstiendrai de commenter en détail l’interview d’une des Françaises qui avaient fait face à Sarkozy, une patronne de PME (on reconnait bien là le côte social de TF1 et du Télégramme…) ; le seul commentaire pertinent publié par le quotidien sur cette émission, on le doit à Pierre Le Méhanès qui avait participé au premier opus de Paroles de Français : « Cette fois, TF1 n’a pas fait d’erreur de casting. On avait l’impression de voir des cobayes anesthésiés par les paroles de Nicolas Sarkozy (…) Personne n’a essayé de le mettre en difficulté alors que sa politique est toujours aussi dévastatrice dans les domaines économiques et sociaux ». Ai-je vraiment besoin de préciser que Le Télégramme a pris soin que ce commentaire n’occupe que le sixième d’une colonne ?
"Le Télégramme de Brest" est comme ça.
Ouest France, n°20.214 (15/02/2011) : Ouest France est un journal moins pourri que Le Télégramme – mais vous avez compris, je pense, qu’il est difficile de l’être plus. Aussi ne vais-je pas faire de critique du contenu de ce quotidien et me contenter de mentionner un fait qu’il m’a permis d’apprendre et qui persiste à me laisser comme deux ronds de flancs. Imaginez, en effet, qu’on m’ait empêché de venir de ma Bretagne rencontrer les autres graoulliens en Lorraine sous prétexte que je n’avais pas assez d’argent sur moi ou que le Brésil (par exemple) refuse, du jour au lendemain, d’accueillir nos compatriotes qui viennent faire du tourisme sur son territoire ? Impossible, me direz-vous ? Et bien c’est pourtant ce qui est arrivé à la Guinéenne Fatoumata Camara qui était simplement venue, avec son Visa en « bonne et due forme », comme on dit, dans notre beau pays des droits de l’Homme voir sa sœur installée en France et qui a été arrêtée à sa sortie d’avion, retenue, jugée, encadrée par les policiers qui l’ont traitée « comme une délinquante » avant de la refouler vers Conakry… Non mais, vous vous rendez compte ? Le message est clair : désormais, il y aura les « bons » touristes, les bons blancs biens gras et propres sur eux qui ont du pognon à gaspiller dans les hôtels et boutiques de souvenirs, et les « mauvais » touristes, c’est-à-dire les rastaqouères mal blanchis qui ne rapportent rien et qui viennent simplement parce qu’ils aiment notre pays ou quelqu’un qui y habite ; l’État se fiche pas mal des sentiments humains et ne se préoccupe que de satisfaire les gros cons raciste qui constituent la frange la plus bruyante de la population (et donc la plus entendue faute d’être la plus nombreuse, du moins je l’espère…) et les appétits financiers des margoulins qui s’engraissent grâce à l’industrie touristique. Cette pauvre Fatoumata Camara est dans le même cas que le gamin à casquette sur la photo du ghetto de Varsovie ; vous savez, celui qui se faisait braquer par le nazi qui avait l’air si content de lui ? Le nazi, lui, dans l’histoire, n’était qu’une énième mouture de l’éternelle saloperie que constitue l’abus de pouvoir permanent de l’État, « le plus froid des monstres froids » dixit Nietzsche. Et dire qu’avec la politique migratoire qui est maintenant celle de notre foutu pays, le cas de Fatoumata n’est sûrement pas isolé… Tout pouvoir est maudit ! Fatoumata, je t’aime comme j’aime tous ceux qui ont été victime de telles infamies ! Vous, les puissants qui ont décidé ça, les flics qui ont exécuté ça et les bidochons qui ont cautionné ça, je vous déteste, JE VOUS HAIS, VOUS POUVEZ CREVER, CONNARDS ! Ben oui, je sais, mais ici, c’est le Graoully, ‘faut bien justifier la première syllabe !
Zélium, n°1 (février 2011) : L’ami Siné, vous le savez peut-être, a littéralement descendu en flammes ce journal satirique destiné à suppléer au vide laissé, au cours de l’année 2010, par Siné hebdo, Kamikaze et La mèche ; je ne serai pas aussi sévère que le grand’ père indigne du dessin d’humour, mais l’honnêteté m’oblige à avouer que Zélium ne me fait pas autant vibrer que le faisait feu Siné hebdo ; le format Canard enchaîné, le papier « quotidien » et le nombre de pages (vingt-quatre) y est peut-être pour quelque chose. À cela s’ajoute les inévitables tâtonnements qui se manifestent quand on lance un nouvel organe de presse (nous savons ce que c’est : vous n’imaginez pas le nombre de messages que nous nous sommes envoyés entre graoulliens à propos de notre nouveau site !) : personnellement, je trouve l’ensemble assez inégal (le très bon côtoie le moyen et le pas terrible côtoie le génial) et je déplore l’absence de certaines locomotives de Siné hebdo comme Vuillemin, Martin, Foujour, Jiho, Mix & Remix, Aranega, Berroyer, Alévêque et autres. En revanche, j’apprécie la présence de Corinne Maier, auteur du brulot anti-reproduction No Kid. Très franchement, je n’ai pas éclaté de rire à chaque page, mais j’ai lu pas mal d’articles intéressants sur des faits d’actualités non relayés par les media dominant, comme l’arrivée de Nicole Notat à la tête du Siècle (je ne connaissais même pas l’existence de ce cénacle de l’élite autoproclamée et je ne suis sûrement pas le seul), le phagocytage, orchestré par l’État de l’archéologie par les margoulins de l’économie de marché, le passé collabo d’Édouard Leclerc… J’ai aussi adoré les chroniques de Xavier Renou et de Serge Quadruppani, la petite B.D. de Giemsi rendant hommage au charme incendiaire de Sigourney Weaver, le compte-rendu par Son Vintage d’un concert de Patti Smith, manifestement plus belle, plus échevelée et plus rock que jamais, et enfin, l’excellent texte d’Hénin-Liétard que la rédaction a, à raison, gardé pour la fin. Bref : un journal qui a ses qualités et ses défauts mais qui mérite les trois euros qu’il coûte et qui, surtout, est comme le Graoully : libre, indépendant et sans langue de bois. Il a donc droit à notre soutien. Tenez bon, les gars ! Et ceux qui n’aiment pas du tout Zélium, ne vous en faites pas, c’est votre droit ! Allez, kenavo !
Nous aussi, on sait ce que ça représente, lancer un nouveau journal...
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