Maria, la cinquantaine, est retrouvée pendue dans son chalet d'été au bord du lac de Thingvellir. Il s'agirait d'un suicide. C'est en tout cas ce à quoi conclut la police après une autopsie ne laissant aucune place au doute. D'après les premiers éléments de l'enquête, Maria était dépressive. Elle avait très mal vécu la mort accidentelle de son père alors qu'elle était enfant, puis celle plus récente de sa mère, emportée par la maladie. Une mère qui dans ses derniers instants, lui avait promis de lui adresser un signe une fois qu'elle serait passée... de l'autre côté. Car Maria était de nature angoissée, redoutait la mort, s'interrogeait beaucoup sur l'au-delà. Personne, pas même son mari ne fut réellement surpris par son décès. Personne hormis Karen, sa meilleure amie, persuadée que Maria ne se serait jamais suicidée. Karen, qui dispose d'une cassette susceptible d'intéresser le commissaire Erlendur : une conversation de Maria avec son médium.
A la lecture d'Hiver Arctique, j'avais été impressionné par la maîtrise du récit dont faisait preuve Arnaldur Indridason, épaté par sa manière de combiner la forme et le fond, de révéler les problèmes identitaires de la société islandaise. Avec Hypothermie, maîtrise et efficacité sont toujours là, et j'ai pour ma part été une nouvelle fois impressionné par ce travail d'orfèvre. D'autant que l'auteur part de rien, d'une situation dont on se demande bien comment il va tenir sur la longueur: il n'y a pas de meurtre et le suicide de Maria est évident. La perplexité est de mise. Est-il seulement possible d'écrire un polar quand une enquête paraît aussitôt étouffée dans l'oeuf ?
Mais voilà, c'est plus fort que lui, le commissaire Erlendur, avec l'empathie qui le caractérise, se demande ce qui a pu pousser Maria à se suicider, quel profond désespoir a pu l'y contraindre. La période étant assez calme en terme d'enquêtes, il replonge aussi dans d'anciennes affaires de disparition avant que les dossiers ne soient définitivement clos. A mesure qu'il progresse, qu'il interroge, que les pièces des différents puzzles s'assemblent, Erlendur trouve comme un écho à la disparition de son frère et donc, à sa douleur personnelle. Et au lecteur d'être pris !
Cette immersion est remarquablement restituée dans la version sonore d'Hypothermie. Jean-Marc Delhausse a su trouver une voix clairement identifiable pour chacun des personnages qui ponctuent ce roman, en jouant seulement de légères inflexions. Mais ceci, je ne l'ai analysé qu'après. Pendant, je baignais dans les eaux sombres, glaçantes et inquiétantes de l'imagination d'Arnaldur Indridason.
Hypothermie, Arnaldur Indridason, traduit de l'islandais par Eric Boury, Audiolib, 9 h