Magazine Culture

L’amour de Dieu (2)

Par Memoiredeurope @echternach

musee-archeo-1mvc-003s.1298149575.JPG

Entre-temps il y eut Rome et Paris. Deux villes confondantes. Deux villes écartelant l’amour entre leurs extrémités confondues, comme des infinis que finissent par se rejoindre. Des clochers à ne plus savoir qu’en faire et des peintures qui vous aident à monter au ciel. Des ciels qui à cette saison ne disent pourtant ni la Méditerranée, ni la Manche. Des ciels bas !

Mais j’avais promis de parler du second livre de voyage. Est-ce que je lisde plus en plus vite ? Mais en tout cas, je lis Christian Bobin en happant les mots comme les poissons accrochés aux mailles du filet et qu’il faut faire tomber dans la cale pour les mélanger à la glace pilée afin de les ramener à bon port. 

Qu’il mêle les mémoires de Port Royal aux effluves du lilas ou les pas mesurés des dames âgées aux démarches altières des princesses, Bobin ne cesse de revenir sur des mots. Et son filet plonge toutes les heures que Dieu fait, sans lassitude. Il se veut loin du monde, comme un marin ancré au rythme des marées.

Ce livre là, “Louise Amour” date de 2004. Il est publié chez Gallimard. Fallait-il qu’on me l’offrit pour que je dise oui une fois de plus à une caresse inédite ? Je ne l’aurais en effet pas découvert seul. Toute surprise est bonne à prendre.

« J’étais tombé amoureux de Louise Amour avant de la connaître : son nom, plus aveuglant pour moi que la clarté laiteuse des roses trémières ou que la pellicule d’or dont les moines recouvraient le bois de leurs icônes, était apparu à côté du mien sous la rubrique « Senteurs » du magazine Rosiers de France, revue confidentielle à laquelle m’avait abonné ma passion pour cette fleur. »

On pourrait ainsi se retrouver aux côtés de la Princesse de Clèves. : « Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle, et qu’elle lui fit la révérence, il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges. »

Christian Bobin : « Je devins fou et personne ne s’en aperçut : le visage de Louise Amour remplissait le monde à ras bord. Il n’y avait plus rien d’autre. J’étais moins que l’air qui baignait ce visage, moins que la lumière qui ricochait sur lui. Les yeux de Louise Amour étaient deux bijoux de flamme brune, dorée, semblables à deux noisettes, sertis dans l’ovale d’une chair pâle, enfantinement bombée aux joues comme les pétales d’un lys. »

Dans le bonheur des mots inventés à propos, enfantinement rime-t-il avec éternité ?

Honoré de Balzac lui répond et rejoint la symphonie des fleurs offertes, en sertissant les bouquets destinés à Madame de Mortsauf (Le lys dans la vallée) : « Aucune déclaration, nulle preuve de passion insensée n’eut de contagion plus violente que ces symphonies de fleurs, où mon désir trompé me faisait déployer les efforts que Beethoven exprimait avec ses notes ; retours profonds sur lui-même, élans prodigieux vers le ciel. Madame de Mortsauf n’était plus qu’Henriette à leur aspect. Elle y revenait sans cesse, elle s’en nourrissait, elle y reprenait toutes les pensées que j’y avais mises, quand pour les recevoir elle relevait la tête de dessus son métier à tapisserie en disant : - Mon dieu, que cela est beau ! »

Mon dieu ou mon Dieu. Le mot est lâché.Faudrait-il encore y ajouter d’autres yeux amoureux ?Ceux de Stendhal, que Philippe Sollers croise à Venise ? Ce sera pour un peu plus tard quand ce livre là sera terminé !

Mais il y a Dieu, encore. 

Louise Amour flirte avec la vie dont elle cherche l’essence dans les fleurs, à en mourir. Elle ne flirte avec Dieu que si la mystique rejoint le parfum et permet de toucher les ailes des anges. Et elle meurt en contemplant les plumes des paons, d’autres ailes angéliques.

Nous sommes donc en permanence perdus dans l’adoration de ce qui nos apporte un ruban de sons, de petites molécules qui éclatent pour peupler l’espace d’une harmonie inconnue, de couleurs qui se jouent de nous, entre les pièges du Diable et les mystiques des moniales qui miment l’adoration de Sainte Thérèse d’Avila. 

Christian Bobin flirte avec Dieu dont il cherche l’essence dans les mots, à s’en rendre ivre. Il ne flirte avec l’amour que si son pouvoir lui semble un exercice de mystique.« Je me glissais entre Louise Amour et la lumière qui enveloppait sa chair, je volai ce privilège qu’avaient les atomes de l’air de la toucher sans précaution, je me fis enfant, atome, abeille qui vint s’écraser sur l’ourlet sucré de ses lèvres. Elles avaient le goût du ciel. Je ne voulais d’autre Dieu qu’elle. »

Voilà qui est dit. Et écrit à la femme que j’aime. Les botanistes et les parfumeurs sont des amoureux d’un Dieu qui parfois les ignore.  

Photo : musée archéologique de Parlerme. 

Partager et découvrir

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Memoiredeurope 194 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines