Une fois je me suis retrouvé à la morgue, Sylvia étendue devant moi, un drap blanc remonté jusqu'au menton. Comme au bon vieux temps, nous deux dans une petite pièce, Sylvia en train de dormir, moi en train de me morfondre. Je me mettais à pleurer, je la suppliais, ne faisais aucune concession à la réalité. La réalité se résumait à mon besoin, plus réel que la mort. Sylvia devait arrêter cette comédie. Il fallait qu'elle ouvre les yeux, qu'elle se lève. Alors elle se levait. Je la prenais dans mes bras et lui demandais si elle voulait aller au cinéma. Elle répondait que oui, mais est-ce qu'on ne pourrait pas manger quelque chose avant ? Je lui disais qu'on ferait ce qu'elle voudrait, et nous partions à la recherche d'un restaurant, désespérément heureux.Leonard Michaels, Sylvia, 1990, éd. Christian Bourgois pour la trad. française de Céline Leroy.
Une fois je me suis retrouvé à la morgue, Sylvia étendue devant moi, un drap blanc remonté jusqu'au menton. Comme au bon vieux temps, nous deux dans une petite pièce, Sylvia en train de dormir, moi en train de me morfondre. Je me mettais à pleurer, je la suppliais, ne faisais aucune concession à la réalité. La réalité se résumait à mon besoin, plus réel que la mort. Sylvia devait arrêter cette comédie. Il fallait qu'elle ouvre les yeux, qu'elle se lève. Alors elle se levait. Je la prenais dans mes bras et lui demandais si elle voulait aller au cinéma. Elle répondait que oui, mais est-ce qu'on ne pourrait pas manger quelque chose avant ? Je lui disais qu'on ferait ce qu'elle voudrait, et nous partions à la recherche d'un restaurant, désespérément heureux.Leonard Michaels, Sylvia, 1990, éd. Christian Bourgois pour la trad. française de Céline Leroy.