Dernièrement, j’ai animé une formation à la gestion de projets, en deux jours, pour des professeurs d’économie de l’enseignement professionnel, issus de différentes écoles. Le matin du deuxième jour, quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que six enseignantes – soit la moitié du groupe – avaient demandé à leur directrice de ne plus assister à la formation qui ne répondait pas à ce qu’elles souhaitaient. Elles avaient obtenu le soutien de leur direction…
Il faut reconnaître qu’il y avait effectivement un problème en ce qui concerne les objectifs de cette formation. Ceux qui m’avaient été communiqués en tant que formateur n’étaient pas ceux sur la base desquels les enseignants s’étaient inscrits, cette formation étant de plus pour la plupart un « troisième choix ».
Il y avait donc un vrai problème, mais – alors même que je m’étais efforcé durant toute la première journée de solliciter les enseignants pour coller à leur réalité – à aucun moment les enseignantes concernées n’ont exprimé de manière explicite ce qui allait entraîner leur abandon. Si elles l’avaient fait, nous aurions bien entendu analyser ensemble la situation pour y trouver des solutions, comme nous l’avons fait d’ailleurs avec les autres participants après avoir appris ce renoncement.
Celui-ci est quand même très interpellant. Admettons pour un court instant et à titre de simple hypothèse que certains élèves de ces enseignantes estiment que le cours qu’elles leur dispensent ne répond pas tout à fait à ce qu’ils souhaitent. Admettons que ces élèves aillent s’exprimer auprès de la direction de l’établissement en demandant de pouvoir ne plus assister au cours d’économie. Admettons que la direction estime cette demande tout à fait justifiée et décide donc de dispenser lesdits élèves de l’obligation de se former dans cette branche. Quelle serait la réaction des enseignantes ? Accepteraient-elles une seule seconde cette attitude, tant de la part des élèves que de la direction ?
Racontant ma mésaventure à une de mes collègues qui avait donné la même formation dans le même contexte (et donc avec le même problème au niveau de la communication des objectifs), elle me dit avoir vécu une expérience similaire, si ce n’est que les enseignants insatisfaits s’étaient réunis à une table en tournant le dos à la formatrice, en lisant, en discutant, voire en tapant la carte… ! Les enseignants qui continuaient à suivre la formation, en s’y intéressant, leur avaient demandé d’avoir au moins la décence de s’en aller. Mais ils étaient restés en montrant clairement leur mépris. À nouveau, je n’ose imaginer une seule seconde quelle serait la réaction de ces enseignants contestataires si leurs élèves se permettaient de faire la même chose qu’eux !
Mon métier m’a amené à former des adultes dans de nombreux contextes (entreprises privées, administrations, organismes parastataux, enseignement…) et un peu partout dans le monde. Cette large expérience m’a conduit à penser que le public le plus difficile en formation est constitué d’enseignants occidentaux. Ma dernière expérience n’a fait que renforcer cette perception.
Loin de moi l’idée de généraliser. Ancien enseignant moi-même, je peux aussi témoigner qu’il y a de nombreux enseignants qui adoptent une attitude très positive en formation, cherchant à profiter pleinement de celle-ci, même si elle ne correspond pas toujours exactement à ce qu’ils souhaiteraient.
N’empêche, quand j’entends ces mêmes enseignants se plaindre des conditions dans lesquelles ils doivent travailler, liés notamment à la démotivation des élèves et à leurs attitudes négatives, je ne peux que me demander si ces enseignants n’ont pas tout simplement les élèves qu’ils méritent.