Sous la glace

Par Anne Onyme

Louise Penny
Flammarion Québec
384 pages

Résumé:

L’hiver a enveloppé de neige le village endormi de Three Pines. Le temps des fêtes appelle à la paix et aux bons sentiments, jusqu’à ce qu’un cri déchire l’air glacé. Un meurtre a été commis : une spectatrice de la traditionnelle partie de curling a été électrocutée sous les yeux de tous, au beau milieu d’un lac gelé. Pour diriger l’enquête, l’inspecteur-chef Armand Gamache revient dans la charmante communauté anglophone. Avec minutie, il dévoile le passé de la victime et découvre un écheveau de secrets et de rivalités. Gamache a cependant ses propres ennemis au sein de la Sûreté du Québec ; il sait qu’il ne peut se fier à personne. Tandis qu’un vent mordant souffle sur Three Pines, une menace plus glaçante encore plane sur lui.

Mon commentaire:

Après être tombée sous le charme du pittoresque petit village de Three Pines dans En plein coeur, j'attendais avec impatience son second roman traduit en français.

En plein coeur se déroulait l'automne et à l'Action de Grâces. Sous la glace se passe l'hiver, dans la période de Noël. C'est avec un immense plaisir que j'ai pu retrouver toute la communauté de Three Pines: Clara, Ruth, Gabri, Peter, Olivier, les villageois qui vont et viennent, l'esprit artistique et communautaire qui prend une très grande place dans la vie quotidienne des personnages. Tout ce que j'aimais dans la première enquête d'Armand Gamache, je le retrouve ici. Le crime est différent et les personnages ont évolués depuis le premier livre. Ici, l'auteur amène même certains personnages à Montréal pendant les fêtes de fin d'année (ils vont visiter la vitrine de Noël chez Ogilvy) et l'inspecteur Gamache fait face à deux crimes qui évoluent en parallèle: un à Montréal et un à Three Pines.

Les polars de Louise Penny ne sont pas que de simples polars. Je pense que même quelqu'un qui n'aime pas les romans policiers prendrait beaucoup de plaisir à découvrir ce roman. C'est une auteure qui oeuvre dans un créneau encore peu exploité en littérature: le polar qui fait du bien à l'âme. Ça peut sembler tout à fait étrange de vouloir concilier les deux. Un crime n'est habituellement pas relié à quelque chose de joyeux. Cependant, Armand Gamache est un inspecteur tout à fait à part. C'est un homme attachant, humain, en proie au questionnement sur la vie, mais c'est un homme heureux. Un homme qui se penche d'instinct vers les chiens qu'il rencontre pour les caresser. Un homme passionné par la poésie et par les mots. Un homme qui recherche les bonnes choses dans tout être humain. Un homme qui aime profondément sa femme, avec qui il partage tout, même ses idées sur les crimes. Une de leur tradition du lendemain de Noël est d'ailleurs de s'isoler avec elle, un panier de pique-nique à portée de main, avec des dossiers non résolus et de tenter d'y voir quelque chose qui aurait pu échapper à l'enquête. Ils le font pour les familles, pour tenter de donner un sens à tout ça. Je trouve certains passages ou certaines philosophies véhiculées dans le roman tout à fait merveilleuses. Les personnages de Louise Penny sont tous profonds, avec leurs pensées, leurs idées, leurs espoirs, leurs doutes, leurs souvenirs. La vie les forge, comme elle forge chacun de nous. C'est d'ailleurs ce qui me plaît dans son écriture: tout semble si réel. Comment peut-on ne pas s'attacher à d'aussi consistants personnages? Même les criminels sont humains et peuvent susciter questionnements, tristesse, pitié, compréhension. Dans le roman, les gens méchants ne sont pas juste méchants. Ce sont avant tout des êtres humains complexes.

L'auteure, qui écrit en anglais et qui vit dans les Cantons-de-l'est au Québec, ponctue son histoire de tout ce qui fait le charme de notre province. On y retrouve l'essence même du Québec: la chaleur des gens d'ici, la passion du hockey, des réflexions sur l'hiver, notre fixation sur la température, l'incompréhension et parfois les tensions entre les anglophones et les francophones. On retrouve aussi dans son roman un certain raffinement culturel et artistique. Les gens lisent beaucoup, discutent beaucoup, plusieurs personnages sont des artistes.

Ce second roman de Louise Penny est définitivement à mon goût. L'atmosphère, le décor, l'humanité qui se dégage du texte au détour d'une scène réconfortante, d'une bonne action ou d'une pensée spirituelle. Les saisons et les fêtes sont des éléments importants dans les romans mettant en scène Armand Gamache. Choisissant souvent mes lectures en fonction des saisons, j'apprécie y retrouver des ambiances familières.

L'auteur a aussi un sens de l'humour qui fonctionne parfaitement avec moi. Au détour d'une phrase ou d'une scène, se cache par moments quelque chose de très drôle, qu'on n'avait pas vu venir. Je pense par exemple à la scène du bain où Clara se prélasse dans les herbes aromatiques offertes par sa belle-mère. Entre les bribes d'une conversation sérieuse, on retrouve alors un élément absurde, une gaffe d'un des personnages et c'est vraiment bien intégré au récit. L'humour de Louise Penny se cache dans les petites scènes quotidiennes, dans les dialogues ou chez certains personnages. Comme Ruth, par exemple, poète primée par le prix du Gouverneur général et qui est d'une grossièreté implacable, mais qui me fait mourir de rire!

Sous la glace est l'histoire d'un crime quasi impossible. Trop d'éléments devraient entrer en ligne de compte pour que ça réussisse et le déroulement du meurtre défie l'imagination. Toutefois, ce roman est beaucoup plus qu'un polar. C'est un roman sur la vie, un roman qui a beaucoup d'esprit, une histoire sur les croyances et le pouvoir des mots. Ce second tome vient tout juste de paraître et j'ai déjà hâte aux prochains romans.

À lire absolument!

Quelques extraits:

"Tout en marchant, il remarqua les jolies maisons et boutiques recouvertes d'une neige immaculée. Tout était tranquille: cette paix, ce calme hivernal, comme si la terre se reposait. Il entendait à peine les voitures sur le coussin de neige et les pas sur les trottoirs. Tout était assourdi. Une paix totale." p.154

"Les gens me croient cynique à cause de mon travail, dit Gamache, mais ils ne comprennent pas. [...] Je passe mes journées à examiner la pièce du fond, celle qu'on garde verrouillée et cachée, même à nos propres yeux. Celle qui contient tous nos monstres, fétides, pourrissants, qui attendent. Ma tâche consiste à trouver des gens qui ôtent la vie à d'autres. Et, pour y parvenir, à découvrir pourquoi. Pour cela, il faut que j'entre dans leur tête et que j'ouvre cette dernière porte. Puis quand j'en ressors - il ouvrit les bras d'un grand geste -, le monde est soudain plus beau, plus vivant, plus merveilleux que jamais. Lorsqu'on voit le pire, on apprécie le meilleur." p.330

En complément:

Le site officiel de Louise Penny.