MIDI (Oscar Venceslas de Lubicz-Milosz)

Par Arbrealettres

MIDI

Couche-toi, crois-moi, sous quelque arbre rieur
Bien nourri, barbu de mousse et vêtu d’été.
Ton rêve de douleur
Ne s’est-il pas enfui avec ton rêve de beauté ?

Couche-toi, crois-moi, chanteur vaincu par la santé,
Sous quelque arbre sans musique et sans pensée,
Et songe au vide des nostalgies dépensées,
Et souris sans rancune à ce qui t’a quitté.

Couche-toi, crois-moi, solitaire et lourd passant
Et rêve savamment de flexibles danseuses
D’Orient à la chair triste de soleil et heureuse
D’ombre, et qu’il serait doux de dévêtir jusqu’au sang.

Couche-toi, tes paupières sont lourdes comme des fruits.
Et fais quelque beau songe de gros moine un peu fou :
Les chemins fatigués de mener n’importe où
Ne sont-ils pas couchés ? Et l’ombre ? Et l’eau du puits ?

Couche-toi, crois-moi, heureux sonneur de glas ;
Ton coeur n’est-il pas un bissac rempli de choses succulentes ?
Les heures ne sont-elles pas doucement lentes ?
Et toi, dis-moi, n’es-tu pas suavement las ?
Oui, de la vie et du rêve et de tout — voluptueusement las ?

(Oscar Venceslas de Lubicz-Milosz)


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