ADIEU DANS LE SOIR
Dormez, — non, partez. Laissez-moi seul. Voici l’ombre.
Nos voix sont chutes de cailloux au fond des tombes.
Un encens de sommeil couvre les marécages.
Je suis vieux du jeu des heures sur vos visages.
Dormez, partez, mourez, vous qui fûtes les noms
Éphémères d’une même douleur qui reste.
J’ai vécu votre jour, je suis las de vos gestes.
Mon coeur n’a plus d’échos pour vos oui, pour vos non.
Par ici, suivez-moi. Comme le soir est vieux !
Quand vous serez partis, je fermerai la porte.
Je serai seul… Partez, partez, mes feuilles mortes,
Partez dans le grand vent d’oubli silencieux…
Emportez mon amour ou mon indifférence ;
Nous mourrons comme l’ombre et les fleurs et les dieux.
Haïssez ma froideur ou plaignez ma souffrance.
— Vers des pays nouveaux, vers de nouveaux adieux !
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Ayez pitié de moi, Nuit, Souvenir, Silence !
(Oscar Venceslas de Lubicz-Milosz)