Bonjour aux enfants soldats
Bonjour aux anges
Bon appétît aux cannibales
Bonjour aux zotres
En 2009, j'ai dévoré Johnny Chien méchant d'Emmanuel Dongola et j'ai adoré ce livre au point de l'intégrer à ma sélection pour le prix Qd9 2010. mon choix a apparemment plus aux zotres juré(e)s puisque ce roman figure parmi les 3 finalistes.
Début 2010, une péripétie blogosphérique déjà maintes fois évoquée ici et ailleurs, m'a fait découvrir le formidable Papoua de Jean-Claude Derey que Cynthia m'a offert.
Cette rencontre littéraire m'a donné envie de contacter l'auteur et, suite à nos échanges, ce dernier m'a fait parvenir deux de ses romans dont un exemplaire du sublime Les anges cannibales dont le thème est similaire à celui du roman de Dongola. J'ai adoré ce livre et je peux d'ores et déjà vous annoncer qu'il fera partie de ma sélection pour le prix Qd9 2011.
Le sujet
Yondo avait tout pour être un petit garçon ordinaire voire heureux si ce n'est l'endroit et le moment où il est né : en Sierra Leone en pleine guerre civile. Un soir, ses parents sont sommairement exécutés devant ses yeux. Son petit frère et sa grande soeur enlevés. Il se retrouve seul et va se débattre pour survivre malgré tout et son implaccable descente aux enfers le conduira à devenir un enfant soldat avec tout ce que ce statut implique de violence, de drogue, de meurtres, de viols, de sauvagerie, de stupidité, de désespoir et... de précarité.
Mon avis
Quel choc que ce livre !
Forcément, la comparaison avec Johnny Chien Méchant s'est d'emblée imposée à moi et j'ai retrouvé moult informations concordantes, anecdotiques ou terribles, sur les conditions de recrutement des enfants soldats, les mains coupées, les viols, la drogue omniprésente, la magie, les surnoms, l'aide internationale, les bribes d'enfance survivantes malgré tout, etc.
J'étais donc, si j'ose dire, en pays (inhospitalier) de connaissance, en terrain (miné) familier mais à aucun moment je n'ai trouvé ce 2e voyage (au bout de l'enfer) redondant, répétitif. J'y ai même, c'est certain, éprouvé plus de plaisir sur le fond et sur la forme.
Sur le fond
Jean-Claude Derey a l'air et la manière de construire ses récits et de creuser ses sujets. Le roman adopte le point de vue de Youndo que l'on suit pas à pas sur le chemin de son calvaire enfantin. Il est en quelque sorte le Candide projeté dans l'univers cauchemardesque de la guerre, à la fois témoin et acteur, survivant tantôt par la seule force de sa volonté, tantôt par pur hasard, simple concours de circonstances.
Sur la forme
L'écriture de Derey est magnifique, forte, engagée. Parce que l'auteur mord dans les mots sans complaisance, parce qu'il y a dans sa plume autant de noirceur que de trucculence, de poésie que de froideur analytique, parce que sa palette est riche et équilibrée et que la beauté de sa langue donne plus de force encore à la gravité du propos.
Le titre
Le titre, Les anges cannibales, résume ce que je viens d'écrire. C'est un très bel oxymore, plutôt poétique qui résume formidablement le contenu du livre et une des problématiques qu'il aborde : Peut-on à la fois être victime et bourreau ? Quand cesse-t-on d'être l'une pour n'être plus que l'autre ? L'innoncence de l'enfance n'est-elle pas le meilleur terreau de la violence extrême ?
D'autres avis
J'ai prêté ce roman 2 fois. Anne-Sophie l'a beaucoup aimé aussi je pense mais elle n'a pas de blog pour le dire ce qui n'est pas le cas de Mister Gangoueus dont j'étais certaine que le sujet l'intéresserait et qui, lui aussi, a été sensible à la très belle écriture de Derey.
Conclusion
Sans la moindre hésitation un de mes 3 roman français préférés en 2010. Un grand merci à Jean-Claude Derey de s'intéresser autant à l'Afrique, de me donner envie de mieux la comprendre (dans les limites où j'en suis capable) et surtout, d'écrire si bien !