Le Centre de Recherches en Philosophie économique de l’ESCP Europe organise à partir du 1er mars prochain un Séminaire sur la « Philosophie de l’impôt », ouvert aux chercheurs, étudiants, professionnels et personnes intéressés.
Veuillez trouver, ci-dessous, l’exposé de la problématique, le programme des premières séances et les modalités pratiques d’inscription.
Argument
La France connaît depuis quelques années une situation de prélèvements obligatoires record, aggravée par le fait que la dépense publique est encore supérieure aux prélèvements et alourdit d’année en année la dette. Certains entendent remédier à ce problème par une nouvelle aggravation du prélèvement fiscal, visant notamment les patrimoines et l’épargne.
Cette situation a pu se créer grâce à la capacité singulière qu’a l’État, en France, de prélever toujours plus d’impôts sans rencontrer d’oppositions sérieuses (cette capacité est d’ailleurs une des explications du bon crédit dont a joui jusqu’à présent la dette française sur le marchés internationaux, la fameuse note « AAA »).
S’il y a peu d’oppositions, c’est sans doute parce qu’il n’y a pas assez de réflexions scientifiques ni de débats publics critiques sur ces sujets. La classe politique, qui vit d’argent public, approuve en majorité l’actuelle situation de forte fiscalité et de fort interventionnisme. La presse, peut-être parce qu’elle aussi dépend de plus en plus aujourd’hui des aides de l’État, met peu d’énergie à susciter enquêtes et débats. Enfin le monde universitaire, à ce jour, que ce soit en droit, en économie ou en sciences sociales, ne semble pas avoir pas classé les questions de doctrine fiscale parmi ses préoccupations prioritaires.
En outre, les rares analyses du système fiscal qui sont faites au Parlement, dans la presse ou par la recherche universitaire actuelle se limitent le plus souvent à des aspects techniques et abordent rarement les questions de principe, en premier lieu les questions de justice fiscale. Il semble que, depuis les grandes controverses qui ont précédé et accompagné la création de l’impôt progressif sur le revenu et des impôts sur l’héritage au début du xxe siècle, on ne soit plus guère intéressé en France à ce qu’on peut appeler la philosophie de l’impôt, c’est-à-dire aux indispensables réflexions de fond sur les principes – moraux, politiques, économiques, sociologiques – qui doivent guider la fiscalité dans les pays libres.
La présente crise budgétaire est peut-être une occasion de reprendre le fil de ces réflexions. Il faut poser à nouveau la question des fonctions essentielles de l’impôt. Il faut mettre à nu les présupposés philosophiques des choix faits à cet égard par chacune des grandes familles politiques, en France et ailleurs. Il faut aussi étudier l’histoire de l’impôt, en remontant au moins jusqu’au début du xxe siècle, afin de comprendre quand et selon quels principes idéologiques chacun des impôts actuels a pris forme. Il convient enfin d’examiner à nouveaux frais la question de la légitimité ou de l’illégitimité des dépenses de l’État, des collectivités publiques et des organismes sociaux. L’actuelle structure dépenses-recettes, le taux global des prélèvements, servent-ils l’intérêt général ou s’expliquent-ils par le seul « marché politique » ?
Le Séminaire réunira – avec en vue, au terme de deux ou trois ans, une importante publication sur le sujet – des universitaires et des experts qui réfléchiront notamment sur les points suivants :
- Les fonctions légitimes et illégitimes de l’impôt.
- État actuel des impôts et dépenses publiques en France.
- Histoire de l’impôt en Europe et en Amérique depuis le début du xxe siècle.
- Histoire et doctrine des prélèvements sociaux, nouvelle forme de fiscalité.
- Comparaisons internationales.
- Impôt et justice.
- Impôts et économie.
- La question controversée de l’héritage : droit naturel ou obstacle à l’« égalité des chances » ?
- Le fisc, ses méthodes. Les privilèges de l’administration fiscale en France. Agit-elle toujours dans le cadre de l’État de droit ?
- Qui fait, en France, la doctrine de l’impôt ? Le Parlement, le gouvernement, les hauts fonctionnaires de Bercy ? Le Syndicat unifié des impôts ? Des centres universitaires ? D’autres cénacles ? Ou personne ?
Programme
des CINQ premières séances
1. Mardi 1er mars (17h-19h)
Philippe Nemo (CREPHE, ESCP Europe)
« Présentation du Séminaire. Les trois grandes conceptions de l’impôt »
2. Mardi 15 mars (17h-19h)
Olivier Bertaux (Fiscaliste d’entreprise, éditorialiste au Cri du Contribuable, auteur du livre Au nom du fisc. Enquête au pays de l’impôt)
« La structure actuelle des impôts français. Qui paie quoi à qui ? »
3. Mardi 29 mars (17h-19h)
Pascal Salin (Université Paris-Dauphine)
« L’impôt peut-il être juste ? »
4. Mardi 12 avril (17h-19h)
Olivier Meuwly (Université de Genève)
« Les principes de justice fiscale en Suisse »
5. Mardi 26 avril (17h-19h)
Jean-Marc Daniel (ESCP Europe)
« Impôt punitif ou impôt solidaire ? »
NB. Il y aura deux autres séances en mai, puis le Séminaire reprendra en octobre.
Modalités pratiques
Le Séminaire a lieu en principe les mardis, tous les quinze jours, de mars à mai 2011. Il consiste en séances de 2h (1h exposé, 1h discussion), de 17h à 19h, à l’ESCP Europe.
Il est ouvert sur inscription jusqu’à la veille de chaque séance (merci de communiquer vos noms, qualités, e-mails à lradut-gaghi@escpeurope.eu), aux chercheurs, étudiants, professionnels et personnes intéressées.
Lieu : ESCP Europe, 79 Avenue de la République, Paris 11e. Salle affichée à l’entrée.
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