L’histoire a commencé en 2005 quand l’apiculteur, M. Karl Heinz Bablok, découvre des traces du maïs génétiquement modifié Mon810 dans son miel. Ses ruches se trouvaient à proximité des terrains du Land de Bavière où était expérimenté le maïs GM de Monsanto. M. Bablok ne souhaite pas commercialiser un miel contaminé et porte plainte contre le Land de Bavière, devant un tribunal administratif [1]. Ce dernier pose alors une question préjudicielle à la CJCE [2] :
La présence de pollen de maïs génétiquement modifié dans ces produits apicoles constitue-t-elle une « altération substantielle » de ces derniers, en ce sens que leur mise sur le marché devrait être soumise à autorisation » [3].
Dans cette affaire, Me Yves Bot, Avocat Général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu, le 9 février 2011, son avis non décisionnel : il estime que la présence dans du miel de pollen issu d’un maïs GM, “même en quantité infime”, fait que ce miel nécessite une autorisation avant d’être commercialisé. “Un aliment contenant du matériel génétique provenant d’une plante modifiée génétiquement, que ce matériel ait été introduit intentionnellement ou non, doit toujours être considéré comme un aliment produit” à partir de PGM (plante génétiquement modifiée). Il ne s’agit pas d’un simple problème d’étiquetage… En effet, les autorisations données dans l’UE pour l’alimentation humaine peuvent être données seulement pour certaines parties de la plante. C’est le cas du maïs Mon810, où l’autorisation délivrée en 1998 pour l’alimentation humaine ne concerne que la farine, le gluten, la semoule, l’amidon, le glucose et l’huile de maïs. Le pollen de maïs Mon810 n’est donc pas couvert par l’autorisation.
Le Tribunal de la CJUE devra désormais trancher, mais précisons que dans la plupart des cas, il suit l’avis de l’Avocat Général.
L’argumentation de l’Avocat Général est en deux temps : d’une part, il démontre que le pollen de maïs
Perd très rapidement, par assèchement, son aptitude à la fécondation et devient un matériel inanimé, [… et donc que] du pollen issu de maïs Mon810, non viable, et donc inapte à la fécondation, n’est pas un organisme vivant et, partant, ne peut pas être considéré comme un OGM ». D’autre part, il « constate que, tant le miel dans lequel on peut déceler la présence de pollen issu du maïs Mon810 que les compléments alimentaires à base de pollen contenant du pollen issu de cette même variété de maïs sont produits à partir d’OGM ». Il continue en affirmant que « celui-ci y soit inclus de manière intentionnelle ou non » ne change rien à la qualification « denrée produite à partir d’OGM » car, notamment, écrit la CJUE, « le risque que peut faire courir une denrée alimentaire génétiquement modifiée pour la santé humaine est indépendant du caractère conscient ou inconscient de l’introduction de ce matériel issu d’une plante génétiquement modifiée ». Il conclut donc que même en quantité infime, cette présence d’ADN d’origine transgénique « a pour conséquence que ce miel doit faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché » et que « le fait que le pollen en question provienne d’un OGM autorisé pour la dissémination volontaire dans l’environnement et la circonstance que certains autres produits issus de cet OGM peuvent être légalement commercialisés comme denrées alimentaires ne sont pas décisifs car le miel contenant ce pollen n’est pas couvert par une autorisation délivrée conformément au règlement 1829/2003 ».
[1] Bayerischer Verwaltungsgerichtshof
[2] affaire C-442/09
[3] Communiqué de la CJUE, le 9 février 2011
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