Aliénor (Oscar Venceslas de Lubicz-Milosz)

Par Arbrealettres


Alénior

Le sommeil, oasis du désert de la Vie,
Tisse pour ta fatigue
Un linceul d’ombre diaphane…
Hélas ! Ton rire amer pleurait d’ennui, ô femme,
Et ta bouche riait de haine
Quand je buvais le vin vivant de ton haleine !
Ton beau corps s’est vautré sur les velours d’or noir,
O fleur lugubre, ô fleur hâlée,
Lys de poison cueilli aux rives de volupté !
Le lourd et rouge encens des paroles d’amour,
Profond nuage de musiques et de clartés,
S’est abattu sur les dalles d’ivoire, et la vaine fumée,
Impalpable comme nos heures lascives, s’est dissipée !
Ta bouche a bu le sang chanteur des .hanaps roses,
Ta bouche, violente étoile rouge des ténèbres de mon coeur !
Dans l’or triste et fané des coupes brûle encor,
- Blond comme ton corps —
Un reste de vin qui meurt avec le jour…
—Enlace-moi, lierre noir de ma douleur ;
Nuit de mon âme, berce-moi,
Que je sois le noyé du fleuve de ta voix.
Ton ivresse a chanté les serments faux,
Et les baisers d’aumône
Sont tombés de tes lèvres sur mes cheveux et mes paupières,
Avec un bruit railleur de cristal mort
Et de pierres légères

(Oscar Venceslas de Lubicz-Milosz)