“La France qui croit au mérite et à l’effort, la France dure à la peine, la France dont on ne parle jamais parce qu’elle ne se plaint pas. (…) La France qui en a assez que l’on parle en son nom” N. Sarkozy – 18 décembre 2006
Le président de la République N. Sarkozy peut se succéder à lui-même. Il se pourrait même que J.-F. Copé prenne la suite. Une hypothèse d’école. Laissant aux néoconservateurs* français la place chaude jusqu’en 2022. Curieusement grâce à l’assentiment du peuple, réputé libre de ses choix, par le biais des scrutins successifs. Les propos de C. Jacob à l’endroit de D. Strauss-Khan en disent plus long que les péripéties narrées dans la presse hexagonale. Qualifiés de maurassiens, exhalant de vieux fumets méphitiques pour certains, on en oublie le caractère éminemment idéologique et politique de ces assertions. Une illustration de la tentative, réussie jusqu’à présent, de ralliement du peuple, du vrai, par ses représentants, les vrais. Parce que, plus que le ciblage de D. Strauss-Khan, C. Jacob éclaire d’une lumière crue ceux qui croient encore, comme au parti socialiste, incarner le progrès. Dans cette perspective, les conservateurs se sont posé la très pertinente question : “Comment faire voter le plus grand nombre contre ses intérêts et en toute liberté ?”
En pleine résurgence du concept de populisme, C. Jacob continue le travail de sape pour les échéances à venir, comme pour celles de son mentor J.-F. Copé qui en 2017 s’y voit déjà. Et pour gagner en 2017 compte tenu des dommages sociaux infligés, il faudra une présence colossale sur le terrain des valeurs. Comme aux USA, c’est sous le prétexte des “deux nations”, en version francisée “des deux pays” ou des “deux mondes” que les neoconservateurs échafaudent une partie du projet d’accaparement et de régression sociale.
Un projet de retour aux valeurs du terroir dans une France largement dé-ruralisée mais qui garde dans son tréfonds une mythologie, issue de son Histoire, de retour à la terre. Une idéologie basée sur le fantasme d’un monarque ressemblant à son peuple. C’est à propos que N. Sarkozy cultive cette image d’acculturation, que J.-F. Copé peaufine son habitus d’homme “pragmatique”, “sans tabou”, tous deux loin des cogitations “boboïsantes” réputées hors cadre des préoccupations du Français moyen. Dans un jeu de miroir où chacun se renvoie une image de ce qu’il pense que les autres sont. Les néoconservateurs imaginant le péquin comme une entité rudimentaire. Le quidam vivant son monarque comme un alter ego amélioré de la charge des responsabilités du pays. Un excellent hiatus.
Car hiatus il y a. Quand la mère d’une famille monoparentale de trois enfants vote pour les valeurs “profondes” de la France, il lui est servi un sabrage des moyens nécessaires à l’éducation publique de ses enfants. Quand un ouvrier d’usine succombe aux promesses de la valeur du travail hérité de ses anciens, il participe aux allègements fiscaux des 10% des plus fortunés du pays. Quand le chômeur s’extasie sur les opportunités qui lui seront offertes grâce au retour des valeurs fondamentales de l’effort, il dresse lui-même sa potence, où lui et d’autres balanceront, victimes de la dérégulation du marché du travail. Mais tout cela ne s’est pas fait seul, comme une mauvaise grâce immanente, une affliction dont sont victimes les gueux. Il aura fallu, aussi, coupler à la mascarade néoconservatrice de la mythologie des “deux mondes” une démission (même partielle) des partis progressistes.
Les figures archétypales comme C. Jacob, d’une morgue boursouflée, disposent d’un boulevard pour s’engouffrer dans la fiction de la césure des “deux mondes”. Pour scénariser un retour aux valeurs des authentiques, sorte de gardiens ; face aux philistins, sorte de nantis dépravés et nombrilistes déconnectés du réel. Un travail facilité par la cohorte des innombrables rabatteurs médiatiques ressassant la bonne parole cocardière. Mais oeuvrant pour la même cause, leur cause, celle des dominants. Dans ce tohubohu qui invite la multitude à se sacrifier, à conspirer contre ses intérêts, et à se rendre aux urnes en total assentiment. Car ce qui importe dans l’absolu du brouhaha des démocraties électives, c’est le décompte final des voix.
*Entendre ultralibéraux, c’est à dire forcenés de mythologie entrepreneuriale et régressifs sur les aspects sociaux
Vogelsong – 17 février 2011 – Paris