Vаllі : pоème Lettre d'un père

Par Illusionperdu @IllusionPerdu

Considérez, Monsieur, que je m'adresse à vous non pas par dépit mais par sagesse. Certains auront l'outrecuidance de s'extasier devant le malheur des autres sans chercher pour autant à connaître la vérité.

Je sais que vous n'êtes pas sujet à ce genre de médiocrité et que l'intelligence dont vous avez su faire preuve lors de vos derniers jugements est tout à votre honneur et parfaitement à la hauteur de votre tâche. Votre famille de grand renom vous en sera ainsi redevable à jamais.

Demain, vous présiderez la Haute Cour qui devra statuer sur le cas de mon fils accusé du meurtre d'un enfant. Monsieur, je vous plains et vous admire à la fois car de la décision que vous aurez à prendre dépend la vie de trois personnes au moins.

Tout d'abord, celle de mon fils. De cette vie dépendent également celle de sa femme et de moi-même qui ne pourraient supporter une telle éventualité et qui, par le jeu ignoble des remords et du doute, finiraient par mourir moralement d'une maladie incurable.

Je ne peux imaginer que vous restiez insensible à l'abysse laissé par le manque total de preuves. Car sur quoi doit s'appuyer une décision si ce n'est sur des preuves irréfutables. Certains parleront d'intime conviction. A ceux-là je répondrai que la conviction est le fruit d'un raisonnement fortement influencé par notre passé, notre expérience, notre mode de vie, nos croyances, etc… et qu'elle reste forcément subjective.

Vous risquez de juger un meurtre en appliquant une sentence à la hauteur du fait commis et cela risque de vous rendre meurtrier à votre tour.

Qui a le droit d'imposer la mort à son prochain ?

Les croyants diront que seul dieu est juge et qu'il a acquis le droit de choisir de mous rappeler à lui puisqu'il nous a donné la vie. Les athées diront s'en remettre à la justice. Hors, la justice, c'est vous ! Vous disposez d'un pouvoir divin à la hauteur de votre perspicacité.

Je ne pourrais concevoir que vous ne preniez en considération les faits et uniquement les faits. Mon fils était présent sur les lieux du crime le jour du meurtre et il avait menacé la victime quelques jours auparavant. Objectivement, l'affaire se résume à cela. Où sont les preuves ? Où se cache la vérité ?

La pression populaire est forte et je ne peux la blâmer car elle est le reflet de notre société binaire où le bien s'oppose au mal ; où la vie s'oppose à la mort.

Qu'en est-il de la présomption d'innocence ?

A l'heure où je vous écris, mon fils ressasse les évènements dans sa tête au fond de sa geole. Il se sait innocent mais à la merci d'un jugement, votre jugement.

Je ne saurais vous importuner davantage par de longs discours mais je vous demande de prendre en considération mon message avant toute décision hâtive que vous regretteriez au fond de vous-même.

Demain, le temps se figera à jamais ou bien sera synonyme de renaissance.

Monsieur, je vous plains et vous admire à la fois.

Je ne vous salue pas, je préfère avoir à vous serrer dans mes bras.

Respectueusement