L’Assaut

Par Mg


On prend les mêmes et on recommence, en parlant de faits réels cette fois ci. Julien Leclercq, l’auteur du polar SF Chrysalis (avec Albert Dupontel) change son fusil d’épaule, mais pas sa technique, pour nous parler de la prise d’otages du vol Air France 8969 en 1994 par le GIA. Un évènement parmi les premiers à être retranscrit à la télévision en direct. 15 ans plus tard, place à la fiction.

24 Décembre 1994. Quatre membres du GIA prennent en otage 220 passages d’un vol Air France. Après deux jours de négociation, l’avion décolle pour Paris, mais s’arrête à Marseille pour ravitaillement. le GIGN donne l’assaut. La fin est connue, les images sont retransmises (avec distance) en direct à la télévision, 21 millions de téléspectateurs sont aux premières loges, six mois avant les attentats du RER B à Saint Michel, sept ans avant le 11 Septembre à New York. Difficile pour le cinéma d’échapper à ce fait d’armes, dont la sortie est négociée en force par un groupe d’intervention français : le GIGN. Julien Leclercq, se saisissant de l’histoire (sur un livre rédigé par d’anciens membres du groupe), décide de nous raconter les faits via les hommes du groupe, justement. Plaçant aussi bien sa caméra dans l’avion qu’au Ministère gérant la crise, c’est en direct qu’on suit la crise. Entre les terroristes bloqués dans leur avion, le GIGN se préparant à intervenir, ou les sous sols des Affaires Etrangeres, tout cela entrecoupé de vrais extraits de JT, Leclercq distille une tension continue sur tout le film, parvenant à donner un rythme soutenu sur 90 minutes, là où le vrai assaut ne sera donné qu’en toute fin de film (pour une bonne vingtaine de minutes au moins).

Une maitrise donc de l’histoire, qui amène le film vers son dénouement connu, et c’est bien là le plus délicat. On ne sait trop ce qu’il en résultera précisément (à moins d’être féru d’histoire contemporaine), et le léger doute permet de tenir jusqu’au bout. Pour autant, si les aspects techniques du film sont autant de références à un cinéma d’ailleurs (une lumière crue et métallique, aussi nébuleuse qu’un film de Ridley Scott.. ou Tony Scott? Des plans caméras épaules pour mieux coller à l’action, ultra référence désormais à Paul Greengrass), et si Julien Leclercq dirige tout cela avec efficacité, il est difficile de ne pas y retrouver des défauts bien français. Entre une direction d’acteurs laissé à l’abandon (Elbaz tout en muscles, mais pas en paroles..), et une tentative de nous tirer les glandes lacrymales vers le bas, L’Assaut tente de se justifier en mettant à côté de la bestialité de l’affrontement quelques bons sentiments. Histoire de dire que oui, ces soldats d’élite sont humains, voir de grands romantiques! Pas évidemment de justifier ça, quand l’histoire de base est une guerre. Une guerre entre quatre jeunes terroristes à la tête fêlée, engagés dans un acte irréversible, les menant à une mort certaine, et en face plusieurs dizaines de soldats hyper-entraînés, dont le travail est ici d’accomplir froidement leur mission, qui sera donc d’abattre quatre personnes sans arrière pensée (pour mieux sauver les 200 passagers, quand même). Nous coincé dans tout ça les pleurs de l’ex-futur veuve d’Elbaz, dont on aurait même l’impression qu’elle soit la seule de France à craindre pour la vie de son mari, rajoute dans un pathos inutile qu’on croit impossible d’éviter pour ne pas se fâcher avec toute une frange du public. Dommage, entre pseudo-réalisme de l’histoire, et ajout d’une fiction pesante, on reste un peu sur sa faim, pour un film qui aurait peut être mérité un angle plus froid et meurtrier, terrible réalité moderne. On ne demande pas les Expendables, mais quand même.

Carte postale pour le GIGN, bons sentiments à l’appui, L’Assaut se regarde sans déplaisir, film uniforme (pas l’habit) et bien mis en images, qui se laisse regarder sans ennui. Il n’y aurait pas la volonté évidente de vouloir nous forcer à pleurer sur le sort d’un Elbaz semi-suicidaire, on aurait suivi cette histoire avec plus d’intérêt. Mais comme on dit dorénavant : « pour du cinoch’ à la française, c’pas mal quand même ».