Carte IGN 2620 E
Rappel de la règle du jeu : Le parcours proposé à la sagacité des blogo-randonneurs ou des rando-bloguistes ne comporte aucun nom de commune. Seuls sont cités les lieux-dits, hameaux et points « remarquables ».
Comme d’habitude, il s’agit d’une boucle dont la longueur totale est d’une vingtaine de kilomètres.
Comme l’aventure ne vous fait pas peur, nous admettrons que vous arriverez chez nous par le train. Partis de la peu accueillante gare de Bercy, vous aurez voyagé dans un de ces TER qui sont une source inépuisable de chicane entre la Région Bourgogne qui les paie et la SNCF qui les exploite. Il vous débarquera, à l’heure prévue (dans 85% des cas) sur un quai remis à neuf tout comme le hall de la gare, l’ensemble ayant été inauguré il y a peu, en grande pompe et en costumes cravates, par tout ce que l’endroit comptait de notables. Vous voilà sur la place jadis de la Gare promue, depuis qu’on l’a planté de cerisiers japonais et pavée de dalles calepinées, à la dignité d’Esplanade des Droits de l’Homme. Vous la traverserez en faisant attention aux voitures, mais pas aux taxis, la présence de cette variété d’artisans à numerus clausus, coïncidant rarement avec celle des voyageurs munis de bagages encombrants. Redoutez d’ailleurs d’assister à la rencontre de ces deux groupes. Plus rare que le passage d’une comète, c’est le signe certain qu’un événement exceptionnel va se produire dans les jours qui suivront. Les historiens locaux ont noté la présence simultanée de taxis et de passagers de la SNCF devant la gare d’Auxerre une heure avant l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, la veille de la chute du mur de Berlin, et dix minutes après le départ de la famille Ben Ali pour l’Arabie Saoudite.
L’entrée en est située rue Germain Benard, jadis rue Chantepinot. Suivez-là jusqu’au boulevard Vaulabelle où les voitures ont remplacé les forains qui installaient là leurs éventaires du temps où Auxerre faisait la foire. Descendez jusqu’à la rivière. Là, prenez à droite, entre l’eau et les silos, bâtis du temps où les péniches venaient charger les grains de l’Auxerrois. Faut-il ou non détruire ces témoins d’une époque aussi révolue, quoique plus récente, que celle où on construisit la cathédrale ? La question agite à intervalles réguliers le microcosme auxerrois. Elle est d’une grande ressource pour les maîtresses de maison locales soucieuses d’éviter que la conversation ne s’enlise ou que leurs convives abordent des sujets (infidélités supposées d’un(e) proche(e) voisin(e), captation d’héritage, évaluation de la politique présidentielle) de nature à soulever les passions ; ce qui les empêcherait d’apprécier comme il convient l’heureux mariage d’un Chablis Montée de Tonnerre et de Saint-Jacques au beurre blanc et à la purée de cresson.
Faites quelques pas jusqu’au vieux pont de fer et vous aurez, sur la ville, une vue qui vaut son prix, puis faites demi-tour et, en ignorant les cormorans et les hérons qui perchés très haut disputent la blanchaille aux pêcheurs à la ligne, partez, sud-sud-est sur la coulée verte en direction de la Fontaine Ronde et du Moulin de Bouffaut.
Comme toutes les voies de chemin de fer, celle sur laquelle vous marchez visait à l’horizontalité. Remblais et tranchées s’y succèdent agréablement. Les premiers vous permettent d’avoir, sur la ville des ouvertures aussi belles qu’inattendues. Les secondes vous offrent, à peu de frais, un aperçu des sensations qu’éprouvaient les voyageurs de jadis quand il leur fallait passer la plaine des Brigands (sur votre droite, mais on ne la voit pas, elle est cachée par un lotissement) ou les gorges d’Appoigny (à dix kilomètres au nord sur votre gauche et, par conséquent, totalement invisibles). Avec de la chance vous y apercevrez des lapins ou un écureuil, mais il est beaucoup plus vraisemblable que vous n’y rencontrerez que des joggerurs, des promeneurs solitaires ou accompagnés de chiens du genre paisible et, les jours de classe, des écoliers s’initiant aux beautés de la bio-diversité (c’est au programme, je viens de le vérifier avec ma petite-fille).
Traversez avec précaution cette départementale veuve d’un viaduc qui vous aurait été bien utile mais que l’administration des Ponts et Chaussée pulvérisa dans les années 70 au motif qu’il gênait la circulation. Votre prudence vous ayant permis d’échapper à la mort par écrabouillement sous un camion chargé de bois poyaudin ou une voiture conduite par un obsédé de la vitesse (un étranger en provenance de la Nièvre ou du Loiret), vous voilà rue des Mésanges. Suivez en le trottoir jusqu’à ce que les marques rouges et blanches du GR 13 vous invitent à prendre sur la gauche le poétique chemin des Violettes. A votre droite, le nouveau quartier des Brichères grignote un patchwork de bosquets, de friches et de jardins. A gauche, quelques maisons vite dépassées et vous voilà en plein champ. Quelques centaines de mètres encore et vous basculez par delà la crête sur laquelle court la frontière qui sépare Auxerre de sa voisine rurbaine de Saint Georges.
Un peu moins de cinq cents mètres après, sur votre droite, un chemin de terre vous emmène au plein mitan d’un de ces lotissements dont la fin du XX° siècle eut le secret. L’endroit se nomme les Ardilles par référence à la nature argileuse du terrain sur lequel il a été bâti. Chambolle, qui, les hasards de la vie aidant, passa là une couple d’années, y vérifia à quel point la réputation d’imperméabilité de cette roche est méritée. Traversez ce quartier par la large avenue qui s’ouvre devant vous et profitez de votre passage pour enrichir vos statistiques sur l’usage respectif du nain de jardin, de la nymphe, imitation pierre, et du panneau de teck dans la décoration contemporaine.
Traversez, avec la même circonspection que tout à l’heure la départementale 89 (sur laquelle, il y a une trentaine d’années, passa le Tour de France) et continuez toujours tout droit jusqu’au collège Jean Bertin ainsi nommé en hommage à l’inventeur, malheureux, de l’aérotrain. Là prenez, sur votre droite le bon chemin qui, entre les bosquets de la Vierge de Celle et les maraîchages du Petit Grenon, vous ramène sur Auxerre. Il débouche entre Sainte Geneviève et Saint Siméon soit, en Auxerrois courant, entre ZAC et ZUP.
Prenez, sur la gauche la banquette herbue qui sépare une voie pompeusement dénommée Boulevard de Montois de la petite route qui file vers Perrigny dont vous voyez le clocher et les toits se détacher sur le sombre des forêts de la Sinelle, de Saint Marien et de la Madeleine. Loin devant vous, les dernières collines du Chablisien vont à la rencontre des crêtes de la forêt d’Othe. Gardez les en perspective en continuant tout droit par le chemin qui passant entre champs et lotissements s’ouvre sur un rond-point où la coulée verte fait sa réapparition sous la forme d’un chemin un peu cahoteux. Entre deux rangées d’arbres écologiquement corrects, il s’en va vers un second rond-point puis vers le pont qui, traversant la rocade est de la ville, permet d’accéder à l’aimable et discret hameau des Chesnez.
Après un passage à niveau accidentogène (mais RFF nous a promis d’y remédier au plus vite, il y a… un certain temps), prenez à droite la route de Laborde et dix mètres plus loin, encore à droite, la rue des Ecoles prolongées qui vous mène à un gué sur le rû (le plus souvent à sec) des Caillottes. Franchissez le hardiment et, une fois à la hauteur de la rocade, prenez à gauche le chemin qui longe cette réalisation de nos ingénieurs en génie civil. Quelques centaines de mètres et vous aurez, sur Auxerre, une vue panoramique depuis la plaine des Isles et sa coquette zone industrielle à droite, jusqu’au quartier pavillonnaire des Piedalloues, à gauche. En haut des anciennes côtes vigneronnes, les barres des immeubles de Sainte Geneviève et de Saint Siméon soulignent plus qu’elles n’écrasent la ville ancienne sur laquelle veillent les tours de Saint Pierre, Saint Etienne et Saint Germain (pour changer, je les ai énumérées en allant de gauche à droite). D’ici, Auxerre est, bien autant que Clamecy pour Romain Rolland, la ville des beaux reflets et des souples collines. Admirez, puis repartez jusqu’au chemin de Saint Jacques (GR 654) qui s’engouffre sous le tunnel traversant la rocade. Il vous ramène tranquillement à la gare. Si vous êtes parti sur les neuf heures, vous y arriverez un peu après midi. Autant dire à l’heure de se mettre les pieds sous la table d’un des nombreux et honnêtes restaurants auxerrois. L’après-midi pourra être utilement occupé en suivant le parcours, fléché, dit de Cadet Roussel. Ses petits cinq kilomètres permettent de découvrir la plupart des beautés connues ou inconnues de la ville. Voilà, n’est-il pas, une agréable mise en jambe pour les deux jours qui suivront et qui, de la cathédrale auxerroise vous mèneront à la basilique de Vézelay. Je vous en détaillerai l’itinéraire, un jour prochain.
Chambolle