« Eh bien pour faire un bébé, il faut déjà un papa et une maman »… Cette phrase classique est souvent la première étape d’une plus ou moins longue explication que beaucoup de parents donnent à leur enfant. Cette affirmation se vérifie facilement, et dès l’antiquité onpense qu’il faut obligatoirement un échange de « fluides » entre l’hommeet la femme pour donner naissance à un nouvel individu, et même si la viergemarie, « sainte mère de Dieu », vient compliquer le problème, l’affairesemble entendue. Mais la part relative de chaque parent dans la « conception »d’un nouvel individu reste à expliciter… Aujourd’hui, dans un contexte de révisiondes lois bioéthiques, je vous propose une relecture moderne des conceptsovistes. Commençons par voir de quoi il s’agit.
Ovistes contre animalculistes. Même si l’importance des deuxparents est rapidement perçue, la « théorie de la fécondation » n’estformalisée qu’en 1900 par l’allemand Oskar Hertwig. Entre temps deux camps s’opposent:les animalculistes d’une part, qui pensent que le spermatozoïde contient desêtres miniatures préformés, ou homunculus (voir gravure ci-contre) ; ils n’envisagent l’ovule que commeune chambre de développement. Les ovistes d’autre part, pour qui c’est l’ovulequi primordial pour la procréation, et le sperme ne joue qu’un rôle d’activateur.Et dans certains cas tels que la parthénogénèse il n’est même pas nécessaire !Cette théorie n’est plus d’actualité aujourd’hui car elle supposait également l’existenced’un individu préformé, à l’intérieur de l’ovule. Mais voyons en quoi la prépondérancede l’ovule dans le développement se révèle pertinente.
Parthénogenèse et pertinence de l’ovisme.La parthénogénèse est le développementd’un individu à partir d’un ovule non fécondé. Le premier exemple naturel a étéobservé par Bonnet en 1745 qui obtient plusieurs générations de pucerons dufusain en isolant des femelles dès la naissance. C’est la présence de réservesnutritives uniquement dans le gamète femelle (ovule) qui rend ce mode dereproduction possible et inenvisageable à partir d’un spermatozoïde (gamètemâle). Et oui les ovules sont généralement les cellules les plus volumineusesde l’organisme, il n’y a qu’à voir la taille du jaune d’œuf pour s’en rendrecompte ! Si la parthénogénèse existenaturellement chez certains groupes, on peut également la déclencherartificiellement, comme se fut fait chez la souris en 2004. Suite à la fusionde deux noyaux ovocytaires (dont un muté par génie génétique) on a pu obtenirpour la première fois 2 souris sans père…[Un puceron et sa progéniture pathénogénétique]
L’inégale participation de chaquegamète.En définitive qu’apporte lespermatozoïde lors de la fécondation ? Et bien à y regarder de plus près, pasgrand-chose… Évidemment il y a le noyau qui contient le bagage génétique, cequi n’est tout de même pas rien : pour chaque paire de chromosomeshomologues l’un d’eux est issu du spermatozoïde ! Lors de la parthénogenèse plusieurs solutions sont apportées pour remédier à cemanque: fusion avec une autre cellule, suppression d’une phase de divisioncellulaire etc. Le deuxième élément apporté est un centriole : une petitestructure cylindrique nécessaire au bon agencement des composants de la cellulelors de la division. Au final aucun autre élément ne rentre dans l’ovocyte,ainsi 100% des mitochondries de nos cellules sont d’origines maternelles !Donc d’un point de vue cytoplasmique au moins, le volumineux ovule sembleeffectivement prépondérant, qu’en est-il d’un point de vue génétique ?
[Le "jaune" de l'œuf d'autruche correspond à la plus volumineuse cellule animale connue.]
Gynogénèse, Androgénèse et guerre des sexes...On l’a dit déjà le mâle apporte50% des chromosomes mais certaines constatations semblent montrer que cetapport génétique n’est cependant pas équivalent fonctionnellement à celui de lafemelle. En effet chez certains groupes des ovocytes fécondés par unspermatozoïde peuvent se développer, sans que le génome mâle ne participe.Celui-ci ne s’intègre pas au génome maternel et est éliminé : c’est lagynogenèse. L’équivalent avec un génome mâle est l’androgénèse, elle ne seproduit que chez les mammifère lorsqu’un spermatozoïde fusionne avec un ovulesans noyau. Dans ce cas des tissus analogues au placenta se forment mais nedonnerons jamais un véritable embryon. Ainsi dans de nombreux cas le génomefemelle seul suffit à produire un embryon tandis que le génome mâle estinsuffisant ! L’apport ne semble donc pas équivalent. En fait 100 à 200gènes s’exprimeraient ou non selon leur origine parentale : c’est lephénomène de l’empreinte génomique.
[Môle hydatiforme totale: ce kyste anormal issu de la prolifération du trophoblaste se forme par développement d'un ovocyte fécondé mais ne contenant pas de noyau initialement. Il n'y a donc pas d'embryon. Cette anomalie concerne 0,1 à 0,5 % des grossesses. On parle de grosses molaire]
Une expérience menée chez lasouris nous en dit un peu plus : elle consiste à former un embryongynogénétique (génome femelle uniquement) et un embryon androgénétique (génome mâleuniquement). On constate que la gynogénèse donne un embryon mais pas lesstructures extra-embryonnaires nécessaires à sa nutrition. A l’inverse comme l’ona dit plus haut l’androgenèse donne surtout des tissus extra-embryonnaires detype placenta permettant la nutrition de l’embryon.
Il semble donc que les gènes paternelsfavoriseraient une plus grande exploitation des ressources in utero, tandis que les gènes maternels tendent à limiter cetteexploitation afin de préserver l’organisme pour de futures reproductions. C’estexemple de conflit sexuel où les intérêts des mâles et des femelles sontdivergents du fait d’un investissement différent des ressources dans lareproduction. Il y aurait vous vous en doutez, tellement plus à dire sur cesujet… Mais pour notre sujet du jour la conclusion qui s’impose, c’est que lacontribution de chaque parent est fondamentalement inégale lors de lafécondation, de là à restaurer l’ovisme il n’y a qu’un pas et comme d’habitudeje ne le franchirai pas ...
Liens et références :
- Wikipédia sur la fécondation, la parthénogenèse, les gènes à empreinte.
- Référence de l'article de 2004, sur la pathénogénèse chez la souris : Kono T, Obata Y, Wu Q, etal. Birth of parthenogenetic micethat can develop to adulthood. Nature 2004;428:860-4
- Lien sur la relation empreinte génétique / guerre des sexes. (Revue médicale suisse)
- Pour en savoir plus sur la grosses molaire : http://www.embryology.ch/francais/fplacenta/patholpl04.html