- Par Sabine Cessou
Des scènes de course à l'argent se sont répétées au Plateau, le centre-ville d'Abidjan, depuis mercredi. Les 5 % d'Ivoiriens ayant un compte en banque et dont dépendent beaucoup d'autres personnes, ont tenté de retirer autant de liquide que possible, à l'annonce de fermetures de banques en cascade.
En raison de l'occupation de ses locaux par des Forces de sécurité (FDS), la Bourse régionale (BRVM) a annoncé sa fermeture mardi soir, suivie mercredi par le groupe Citibank, la Standard Chartered, Access Bank, la Bank of Africa (BOA), la Banque internationale pour le commerce et l'industrie en Côte d'Ivoire (BICICI, groupe BNP Paribas), puis, aujourd'hui, la Société générale de banque en Côte d'Ivoire (SGBCI), filiale de la Société générale française.
"L'argent va se tarir. Nous vivons dans un monde globalisé, et Gbagbo est piégé", a déclaré Lydie Boka, cadre de la firme d'analyse financière StratégieCo. Sur les 13 banques visitées par Associated Press (AP) mercredi, 11 étaient encore ouvertes, mais quatre seulement disposaient de distributeurs de billets fonctionnels.
Beaucoup s'attendent à d'autres fermetures dans les jours qui viennent. La Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a décidé de bloquer à Laurent Gbagbo, président sortant qui refuse de quitter le pouvoir, l'accès aux comptes ivoiriens, réservé par décision des ministres des Finances de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) à son rival, Alassane Ouattara. Par mesure de rétorsion, Laurent Gbagbo a réquisitionné fin janvier les agences locales de la BCEAO, encerclées par des dizaines de militaires. Du coup, la BCEAO a coupé depuis son siège, à Dakar (Sénégal), le système électronique de régulation financière.
"Compte tenu des sanctions internationales prises contre le régime Gbagbo, les banques internationales ne peuvent pas opérer avec une banque centrale ad hoc et ont pris la décision de fermer", explique une analyste financière. Les banquiers ont commencé à quitter le pays dès le mois de décembre, pour ne pas permettre à Laurent Gbagbo d'exercer sur eux une quelconque pression. Ce mouvement de départ se serait accéléré les jours derniers.
Près de trois mois après le second tour de la présidentielle, le 28 novembre, la crise s'aggrave en Côte d'Ivoire. Les chefs d'Etat africains nommés par l'Union africaine (UA) pour trouver une solution "contraignante" vont arriver lundi prochain dans un pays où il sera difficile, pour les fonctionnaires et les militaires, les groupes les plus largement bancarisés, de retirer de l'argent.
© Reuters / Des épargnants ivoiriens faisant la queue mercredi devant un distributeur d'Ecobank à Abidjan.