Attribué à Colin Nouailher
(Limoges, documenté entre 1539 et 1567),
Une prédication, milieu du XVIe siècle.
Émail sur cuivre, 10,6 x 8,9 cm, Paris, Musée du Louvre.
Après un magnifique premier disque consacré, en 2007, aux Sacræ Cantiones de Paschal de L’Estocart (Deux cœurs aimants, Ramée), on attendait avec autant de curiosité que d’impatience un nouvel enregistrement de Ludus Modalis. C’est sur un autre compositeur français de la Réforme que l’ensemble dirigé par Bruno Boterf a décidé de se pencher ; il nous offre aujourd’hui, toujours chez Ramée, la première intégrale des Dix Pseaumes de David de Claude Le Jeune.
De nombreuses lacunes documentaires empêchent aujourd’hui une perception précise de la trajectoire de cet important musicien du XVIe siècle, en particulier de ses années d’apprentissage. On le sait né à Valenciennes, une cité favorable aux idées de la Réforme, aux alentours de 1530. Il est probable qu’il a été formé dans sa ville natale ou dans une des proches maîtrises du Nord (Cambrai, Mons, Tournai, etc.), héritant donc du savoir polyphonique qui y avait été accumulé et rayonnait alors sur toute l’Europe. Mais, comme l’a bien montré Isabelle His dans l’ouvrage de référence qu’elle lui a consacré (Actes Sud, 2000), l’art de Le Jeune ne se résume pas à cet atavisme septentrional ; son utilisation de formes spécifiques, comme, entre autres, la canzonetta, ou de techniques, tel, par exemple, le chromatisme, atteste d’une connaissance approfondie de la manière italienne, dont les sources ne permettent pas de déterminer de façon certaine si elle fut directe ou indirecte. Si, en véritable humaniste, il s’intéresse aux courants créatifs novateurs de son temps, comme la musique et la poésie mesurées à l’antique développées au sein de l’Académie de Jean-Antoine de Baïf, la confession protestante de Le Jeune lui interdit d’occuper un poste de maître de chapelle ; il va donc faire sa carrière au service de divers employeurs, parmi lesquels le duc d’Anjou, dont il est maître de musique de 1582 à 1584, et peut-être Henri IV, puisqu’il porte, en 1596, le titre de « Compositeur de la Chambre du roi » qu’il conserve jusqu’à sa mort, à la fin de septembre 1600, à Paris.
L’impression dominante qui, dès la première écoute, se dégage de l’enregistrement de Ludus Modalis (photographie ci-dessous)
est celle d’une absolue cohérence entre les choix esthétiques et leur réalisation telle que le disque en rend compte. Cette adéquation totale entre une œuvre et les moyens utilisés pour la
faire revivre est loin d’être courante ; elle signe toujours des projets qui s’imposent comme d’indiscutables réussites, appelées à être immédiatement considérées comme référentielles, ce
qui est le cas de cette intégrale des Dix Pseaumes de David. Bruno Boterf et ses chantres n’ont rien laissé au hasard, poussant même le scrupule jusqu’à choisir une acoustique d’église
très courte (presque sans réverbération) qui évoque la destination domestique que pouvait également avoir la mise en musique des psaumes. Dès les premières notes du psaume 96, qui ouvre le
disque, éclatent la netteté de l’articulation et la lisibilité de la polyphonie qui signent cette interprétation et assurent aux textes une parfaite intelligibilité, qualité capitale lorsque
l’on sait la place centrale accordée au Verbe par les théoriciens de la Réforme.
Ludus Modalis
Bruno Boterf, ténor & direction
1 CD [durée totale : 75’28”] Ramée RAM 1005. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Chantez à Dieu chanson nouvelle, psaume 96
2. Ayes pitié de moy, psaume 57
Illustrations complémentaires :
Portrait anonyme de Claude Le Jeune, c.1598. Burin, Bibliothèque nationale de France.
La photographie de Ludus Modalis est de Rebecca Young, utilisée avec autorisation.