Nous vous livrons dans ces colonnes le billet d’humeur des nouveaux invités d’honneur de Tribune Libre, les Dr Claude Grasmick, Président du SNBHet Dr Georges Pinon, Vice-Président du SNBH (syndicat national des biologistes hospitaliers) concernant les récents événements qui secouent le petit monde de la Biologie Médicale Française.
Entre incurie gouvernementale et république bananière…
Le concours est désormais ouvert à chaque changement de ministère pour savoir si l’on arrivera à faire pire dans le domaine du n’importe quoi en matière de gestion des problèmes en santé.
On avait déjà connu la gestion de la canicule, celle du DMP †, de la grippe et voilà qu’on s’attaque désormais à la réforme de la biologie comme si le Médiator & Co ne pouvait suffire.
Qu’en une nuit, sans aucune concertation préalable avec les principaux intéressés, au cours d’un débat parlementaire n’ayant aucunement trait au sujet, on veuille abroger l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale relève de la mauvaise plaisanterie en première approche, de l’escroquerie morale à bien y regarder.
Il pose aussi de plein fouet la question de la solidarité gouvernementale. Certes, la Ministre initiatrice de la réforme n’est plus en charge du dossier mais elle est toujours membre du gouvernement et c’est à tout le moins un désaveu cinglant du nouveau ministre à son prédécesseur et néanmoins collègue. L’intéressée appréciera ainsi que le chef du gouvernement signataire lui aussi, en son temps, de cette ordonnance.
C’est également un enterrement de première classe de la notion de réforme dans le domaine de la santé car s’il suffit d’un groupe de pression sur un problème totalement accessoire pour entamer une marche arrière toute au milieu du gué. C’est dire que les éléments moteurs – et ils étaient nombreux – sont désavoués et que les tenants de l’immobilisme sont à la barre. Chat échaudé craignant l’eau froide, chacun a le loisir d’attendre le futur ministre pour avoir le contrordre du précédent et on ne s’étonnera donc pas de ne plus trouver quiconque pour faire avancer les choses.
Or, justement, les choses avançaient et pas que dans le domaine étroit de la biologie médicale. Chacun sait (hormis peut être le ministre) les difficultés à faire bouger les lignes dans le domaine hospitalier. La réforme de la biologie avec les nécessités de rapprochements inter hospitaliers était un vecteur pratiquement indolore de la mise en place des GCS et autres CHT. Autant dire qu’on vient d’écorner furieusement toute la loi HPST sans trop y prendre garde. En réalité et malgré l’affichage présidentiel, veut-on des réformes ?
Et tout ceci pourquoi ?
Imaginerait-on un éminent chercheur dans le domaine des biomatériaux, prothèses…etc.… devenir professeur de chirurgie, discipline dont par bien des côtés il a une pratique, voire devenir chef d’un service de chirurgie. On voit déjà le tollé que ceci engendrerait et nul doute que des députés par ailleurs chirurgiens interpelleraient sans coup férir le gouvernement. Ce sont toutefois les mêmes qui estiment qu’on peut faire de la biologie médicale au service direct du patient sans être biologiste. Cherchez l’erreur voire le mandarin… car c’est la survivance d’une vision de la biologie totalement dépassée avec un relent de mépris profondément insupportable.
Qu’il y ait un problème de positionnement de certains chercheurs dans l’institution hospitalo-universitaire, nul ne saurait le contester. Que le ministère de la santé et accessoirement celui chargé de l’enseignement supérieur n’envisage que des solutions qui tendent vers le pur népotisme et la création « d’emplois fictifs » est difficilement défendable même enrobées de bons sentiments et de dénégations préalables.
Maintenant tout ceci est il suffisant pour jeter le bébé avec l’eau du bain ? En d’autres termes s’il n’y avait que les arguments évoqués pour demander l’abrogation, la révision de la loi HPST paraissait nettement plus indiquée comme vecteur des ces modifications et d’ailleurs, on retrouve la demande véhiculée par voie d’amendement sur le texte de la commission des affaires sociales du Sénat… Visiblement on a voulu aller beaucoup plus loin…
Il va donc falloir s’interroger sur l’attitude du ministre qui s’en est remis « à la sagesse de l’assemblée ». La lecture des débats laisse peu planer le doute quant au pilotage en sous main de l’affaire. Qui y a-t-il dans l’ordonnance qui dérange à ce point ? Des aspects mineurs qui pouvaient être aisément résolus lors de sa ratification et de l’élaboration des décrets d’application ou par exemple le fait que l’ordonnance empêche la main mise par des financiers de tous ordres sur la biologie médicale française ?
Il faut avouer que la chronologie des événements ne peut qu’alimenter les suspicions ainsi que le silence assourdissant dudit ministre après l’épisode.
Pour l’heure les biologistes ont :
· un impératif pratique : savoir où ils vont et quoi dire à leurs équipes;
· et sont entre deux impératifs grammaticaux : « Indignez vous ! » comme Stéphane Hessel en espérant ne pas arriver au « Dégage ! » selon Ben Ali.
Pour le SNBH, le Président, Claude Grasmick.