Hayao Miyazaki et son Studio Ghibli nous en a fait rêver avec leur princesse, leur boule de poils et leurs châteaux dans le ciel ou ambulant. Le baron de l’animation japonaise nous a pondu une nouvelle œuvre l’été dernier au Japon, et celle-ci est actuellement dans les salles françaises depuis janvier. Cette fois-ci, on s’attaque au petit monde des chapardeurs avec Arrietty. Le studio japonais nous fera-t-il vivre à nouveau des instants magiques ?
Arrietty, le petit monde des chapardeurs (借りぐらしのアリエッティ, Karigurashi no Arietti) se base sur les romans anglais de Mary Norton, The Borrowers (Les Chapardeurs). Arrietty est une jeune fille de 14 ans vivant avec ses parents sous une maison située dans un petit coin de verdure à Tokyo. Mais Arrietty et sa famille fait partie d’une espèce fragile et particulière : en effet, leur taille ne dépasse pas celle des figurines. Ils vivent de petits « emprunts » qu’ils effectuent discrètement dans la demeure d’en haut. Seule règle d’or : ne jamais être vu par un humain. Cependant, l’arrivée d’un jeune garçon malade, Shô, va bouleverser sa vie et la contraindre à plier bagage. Cette version Ghibli conserve à peu près les profils des petits personnages du roman, mais le contexte a été déplacé au Japon actuel. On imagine que le studio a voulu rapprocher les spectateurs nippons de l’histoire, mais pour le peu de ce qui est japonais dans ce film on aurait pu rester en occident…
Encore une fois, le soin qui a été apporté à la réalisation est splendide. Les dessins signés d’une patte Ghibli sont de toute beauté, et chaque instant est un régal pour les yeux. À travers ces images, on ressent bien la tendresse et le raffinement que dégage la maison, ainsi que le joli petit monde sauvage mais fragile de la nature qui l’entoure. On prendrait n’importe quel frame pour l’encadrer et l’accrocher dans notre salon. Du côté du son, les deux jeunes acteurs Miraï Shida et Ryuunosuke Kamiki, qui avaient déjà collaboré pour le drama de Détective Academie Q, prêtent leur voix aux personnages d’Arrietty et Shô respectivement. Si la première se débrouille comme une seiyuu pro pour son premier doublage, la performance de Kamiki reste plutôt plat émotionnellement contrairement à sa collègue. En même temps, je sais bien qu’il doit jouer un garçon affaibli mais cela dure depuis Summer Wars… Dans l’animation japonaise, on entend de suite qui est acteur ou seiyuu, et c’est le plus flagrant avec lui. Pour la musique, Joe Hisaishi qui est familier avec les productions de Miyazaki est mis sur la touche. À sa place, on a le premier compositeur, ou plutôt compositrice non-japonaise pour une oeuvre Ghibli : j’ai nommé Cécile Corbel de notre beau pays. Elle a non seulement co-composé le thème principal mais aussi la bande-son intégrale du film. Sa chanson d’Arrietty se décline en plusieurs versions : française, anglaise et japonaise. Ayant vu le film en VO, j’ai pu profiter de la dernière qui colle parfaitement à l’ambiance et la beauté de l’art visuel. Son accent français apporte une « french touch » qui fera tomber sous le charme les vrais japonais, plutôt que de leur faire grincer des dents (et je suis bien placé pour le dire).
Du côté du scénario, on a le concept solide issu du roman de Norton mais le reste est mal développé à travers le film. À vrai dire, il ne se passe pas grand-chose et l’histoire a parfois du mal à avancer. L’enjeu de la trame est plutôt faible ce qui fait perdre le côté aventure. Et pourtant, on avait bien commencé avec le premier chapardage d’Arrietty et son père qui parcouraient « l’immense » demeure tels des Indiana Jones. D’un point de vue de game designer, il est intéressant de noter qu’une vie paisible dans sa maison peut être parsemée d’obstacles rien qu’en se plaçant à une échelle différente. Il nous est aussi difficile de saisir les caractères et motivations des « grands » personnages. On a au moins réussi à faire passer le thème du film (carrément explicité lors d’un dialogue entre Arrietty et Shô) qui est l’impact des actions humaines, qu’ils soient mal-intentionnées ou innocentes, sur l’éco-système. Ceci justifie peut-être le choix d’un contexte proche des spectateurs, sans doute pour les sensibiliser à la nature environnante.
Miyazaki nous raconte ici un joli conte merveilleux, avec un message écologique. Magnifique chef d’œuvre artistique, le film a tendance à être un peu trop paisible sur les bords, se rapprochant plus d’une toile qu’à un film d’animation. Ce petit monde magique mérite néanmoins que vous alliez le voir sur les grands écrans tant qu’il est encore temps.