Le texte de Brecht résonne toujours avec pertinence. L'intérêt est double, historique bien sur car il est bon de se souvenir que la terre n'a pas toujours été perçue comme nous savons maintenant qu'elle est, et politique aussi parce que la remise en cause des idées imposées par le clergé ou les dirigeants n'est jamais facilement acceptée.
Il était commode de penser que la terre était au centre de l'univers. Si le ciel n'existe plus au-dessus de nos têtes, mais alors où est Dieu ? En nous, ou nulle part. Et s'il n'existait pas ne faudrait-il pas l'inventer ?
Les questions métaphysiques se succèdent, interrogeant la liberté de pensée au risque de heurter l'Inquisition. Pourra-t-on fonder la société humaine sur le doute et non plus sur la foi ?
A-t-on le droit d'affirmer sans démonter ? Tous les exemples se valent-ils ? Est-il absolument indispensable que l'homme ait réponse à tout ?
Nous sommes au XV° siècle, en Italie, d'abord dans l'atelier de Padoue de Galiléo Galilei. La vie du savant se déroule sous nos yeux, entremêlant négociations et ruses (jolie scène où le physicien vend une invention qui ne lui appartient pas, la lunette astronomique), théories et pratiques, assorties de brillantes démonstrations. Nous sommes spectateurs mais aussi élèves d'une belle leçon pour nous conduire à apprendre à penser par nous-mêmes.
Le fer est plus lourd que le papier, mais l'aiguille flotte si elle est posée sur une feuille.
La scénographie est géométrique, élégamment éclairée par Jacques Rouveyrollis. Le rôle de Galilée est partagé par trois comédiens qui font évoluer le personnage, avec ses forces et ses faiblesses. On en ressort enrichi, et perplexe, comme il se doit avec Brecht. Comme le dit si bien Andrea qui fut l'élève de Galilée, nous n'en sommes qu'au commencement.
Apprendre à penser pour ensuite éventuellement juger. Car le grand Galilée abjurera sa découverte pour sauver sa peau. Tout le propos de la pièce sera de nous démontrer en quoi ce fut -ou pas- inéluctable. Un travail d'horloger au service d'un texte superbe !
Crédit Photos Valérie Evrard pour la première et la troisième photo, Cécile Boivert pour la deuxième.