En voyant Mick Jagger faire de l'aérobie aux grammys dimanche dernier je me suis rappellé qu'elles étaient loin les belles années des Rolling Stones.
Au tout tout début celui qui avait placé l'annonce et trouvé le nom du band c'était Brian Jones. Iain Stewart fût le premier à répondre et le premier engagé. Jones, guitariste, avait du front, un amour pour le blues électrique des années 50 et une gueule à faire craquer le filles. Il était d'ailleurs papa quelques fois déjà quand il a tenu les premières auditions pour le band.
Iain Stewart, "Stu" était quatre ans plus vieux, très grand, affectionnait le boogie-woogie et le rhytm'n blues des 40, excellait au piano et arborait une gueule carrée d'écossais prêt à vous défoncer le visage. Il avait aussi une crête de coq à la Elvis.
Ce sont des deux amoureux du blues (le compromis musical entre leurs deux envies) qui ont recruté Keith & Mick puis Bill Wyman (principalement parce qu'il avait un ampli) et courtisé Charlie Watts pour le voler au monde du jazz.
Stu travaillait à la Imperial Chemical Industries dont le bureau est vite devenu le centre organisationel des jeunes Stones. C'était le numéro de son bureau qui apparaissait dans le journal. Avant d'avoir un gérant officiel, c'est Stu qui bookait tous les rendez-vous des futures légendes. Seul membre marié, mais totalement investi dans le succès du band, il avait aussi acheté une mini-van afin de faciliter les déplacements des 6 bluesboys.
En mai 1963, l'arrogant Andrew Loog Oldham, jeune nouveau gérant des Stones avait décidé que 6 membres étaient franchement trop difficile à placer sur scène. Qu'à la télévision, cela faisait très chargé. Que Mick n'avait pas de place pour bouger et qu'un piano était toute une corvée à trainer partout. Stu, plus vieux, beaucoup plus grand que les autres, au visage plus prêt du joueur de rugby que du jeune rock star a vite compris qu'il ne cadrait pas dans le marketing du band. Loog Oldham a insisté et Stewart a été gentiment "tassé" du groupe. Keith Richards avouera que si on le sommait de quitter un band qu'il aurait fondé, on mangerait un violent coup de poing sur le nez et il n'obtemperait très certainement pas."Stu had the biggest heart in the world" dira Richards quand Stewart prit la nouvelle avec un grain de sel en disant "D'accord mais comme j'ai la van je serai votre chauffeur". Il était entendu qu'il serait tout de même le pianiste officiel des Stones.
Stu se mit alors à devenir le spécialiste de l'équipement. Remplaçant les cordes de guitare, remplissant sa van de l'équipement, gérant le matériel et son personnel, montant la batterie de Charlie Watts tel qu'il le voulait. ("Jamais je n'ai eu à le chicaner sur la chose ou à me plaindre il aura été parfait" dira Watts).
De 1963 à 1969, Iain Stewart vit ses heures de gloire avec les Rolling Stones. Il apprécie même la distance et l'absence de pression de la part du public comparé aux autres membres du groupe. Le son des rolling Stones n'aura jamais été aussi proches de ses amours: le blues, le R'n B, le country.
Toutefois quand Brian Jones commence à perdre le contrôle du groupe, mais surtout à plonger tout le monde dans la drogue, il devient distant et méprise même l'attitude général du band hors de la scène. De nature plus rangée, il garde ses distances. De plus, le style musical change tranquillement. Incapable de jouer autre chose qu'en mode majeur, quand les autres musiciens choisissent de jouer en mode mineur sur scène, ce qui devient de plus en plus fréquent, il lève les mains en guise de protestation.
Quand Jones meurt en 1969, c'est Stewart qui présente Mick Taylor, jeune prodige de la guitare issue du John Mayall Blues Band qui se produit dans un bar de blues que Stu affectionne.
À cause de la mort de Jones, suite à sa lente autodestruction aux mains de la drogue, Stu regarde les autres membres du groupe, qui plonge allégrement eux aussi dans la drogue, avec inquiétude et mépris. Il souhaite secrètement que ceci cesse avant d'autres dommages.
L'album Let It Bleed (1969), dernier album officiel réunissant tous les membres du band original, sera pratiquement le chant du cygne sonore pour Stu.
Il n'accompagne pas le band en Europe pour l'enregistrement de Exile On Main Street qui sera aussi le paradis de la débauche et de la drogue à volonté. Il collabore à trois morceaux, Stop Breaking Down, Sweet Virginia et Shake Your Hips, trois morceaux plus près du son qu'il aime. Il ébauche la trame principale de Tumbling Dice mais c'est Nicky Hopkins qui sera au piano pour le morceau en studio.
Pendant que le reste du band se tape le plus de filles possible, Stu se découvre une passion pour le golf. Il réserve des hôtels loin des villes mais qui offre les plus beaux terrains de golf. Au grand dam du reste du quintette.
Il joue au piano une première fois en 1971 sur un gros hit de Led Zep
Puis, il joue une autre fois avec Plant, Page, Jones et Bonham pour le dernier bon album de Led Zeppelin.
Stu s'éloigne.
Toutefois, comme il est là depuis les touts débuts, il agit un peu comme le grand frère auquel les autres essaient de plaire. Jagger avouera que toujours, il se tenait tranquille quand Stu était dans la pièce.
De plus en plus occupé par la logistique d'un groupe qui devient plus grand que nature, il cède sa place à Jack Nistzche, Nicky Hopkins, Billy Preston ou Ian McLaglan. Stu se réserve les morceaux plus blues ou jouées en mode majeur. Sister Morphine pour lui c'est de la musique de martiens qui ne lui correspond pas du tout.
En 1982 il collabore au piano et à l'orgue sur l'album le plus acclamé de George Thorogood and the Destroyers.
Jamais il ne laissera tomber le band qu'il avait un peu mis au monde.
En 1985, il meurt d'une attaque cardiaque à l'âge de 47 ans.
Quand les Rolling Stones sont intronisés au temple de la renommée du rock'n roll en 1989, ils insistent pour que son nom y soit aussi.
Richards dira qu'il travaille toujours pour Stewart.
Qu'il s'agit de son groupe.
Que sans ses connaissances et son organisation, le groupe ne serait nulle part.
Tks Stu pour les Stones.