Hikaru, Fuu et Umi, trois lycéennes en voyage scolaire, se trouvent invoquées sur le monde de Cephiro où « le cœur devient puissance » et dont l’équilibre dépend des prières constantes du Pilier de Cephiro, la jeune princesse Émeraude. Le Maître Mage Clef leur dit qu’elles ont été appelées sur ce monde pour devenir les Magic Knights, des guerriers légendaires chargés de secourir le Pilier de Cephiro quand celui-ci est menacé. Or, la princesse Émeraude a été enlevée par le Haut Prêtre Zagato pour des motifs inconnus…
Sans les prières d’Émeraude pour le soutenir, le monde de Cephiro se désagrège peu à peu et des créatures monstrueuses apparaissent qui menacent les habitants… Armées par Presea, forgeronne de la Forêt du Silence où nulle magie ne peut s’exprimer, les Magic Knights et leur compagnon espiègle Mokona, nanti de pouvoirs mystérieux, partiront en quête des antiques Dieux-Runes qui seuls peuvent leur donner le pouvoir de vaincre Zagato…
Avec son intrigue simple, un bestiaire fantastique qui ne va pas sans rappeler Pokémon, une utilisation intensive des super deformeds et des combats à l’hémoglobine très discrète, Magic Knight Rayearth cible de toute évidence une audience jeune, que ce soit par l’âge ou par l’ouverture d’esprit. Mais il ne faut pas pour autant y voir une simple histoire pour enfants car l’ensemble aborde des thèmes tant culturels qu’émotionnels qui poussent à une certaine réflexion.
Si la première partie de l’histoire se répète un peu d’un épisode à l’autre, la narration introduit par la suite des personnages et des idées qui ne manquent ni de maturité ni de personnalité, en plus de présenter des thèmes, certes éculés, du genre heroic fantasy, mais de façon originale et qui ne manque pas d’une certaine poésie. Le monde de Cephiro lui-même, ainsi que son Pilier qui en assure la pérennité, en est le parfait exemple : on rejoint là le concept typiquement celtique du lien qui unit le Roi à sa terre, l’un ne pouvant subsister sans l’autre, que John Boorman avait décrit avec brio dans son film Excalibur (1981). Ce qui tend à démontrer que les cultures de la soi-disant « mystérieuse » Asie ne sont en fin de compte pas si différentes des nôtres, la distinction principale étant que dans la tradition celtique le Roi défend l’équilibre du monde à la force de l’épée alors que dans le cas de Magic Knight Rayearth celui-ci dépend des prières de la princesse Émeraude. Quand je vous parlais de poésie. Et encore, je n’ai même pas abordé les motivations de Zagato…
Avec de l’humour et de l’émotion, de la magie et de l’action, cette série tout à fait intéressante et brillamment illustrée par des designs à la pertinence rare se distingue sans mal des autres productions du genre magical girl avec lequel elle a été associée pour ce que je crois être de mauvaises raisons : en effet, Magic Knight Rayearth présente pour particularité et pour force de combiner avec une grande habileté le shôjo et le shônen en un voyage merveilleux vers un « Pays de la Promesse » (1) sans pareil dans la fantasy classique – un cocktail à l’efficacité rare qui a de quoi ravir tous les publics. En fait, le seul reproche qu’on peut lui faire est celui d’une animation parfois un peu simpliste, mais je crois savoir que ce détail-là ne vous rebutera pas vraiment.
Sans être un chef-d’œuvre, cette première saison de Magic Knight Rayearth présente néanmoins des qualités certaines, telles qu’une originalité et une personnalité sans failles qui en font une production méritant amplement d’être vue.
(1) dans la mythologie celtique, c’est le nom traditionnel donné à l’univers du « sidh », terme gaélique signifiant « paix » et désignant l’univers invisible où vivent les dieux, les héros et les défunts : c’est l’Autre Monde celtique, domaine des légendaires Tuatha Dé Danann. Pour plus de précisions, voir l’ouvrage de Jean Markale, Nouveau Dictionnaire de mythologie celtique (Pygmalion, 1999, ISBN : 2-857-04582-4) p. 210 et p. 228.
Récompense :
Prix du meilleur thème musical pour la chanson Yuzurenai Negai lors du premier festival d’animation de Kobe en 1996.
Notes :
La série compte un total de 49 épisodes diffusés au Japon presque en continue mais en deux parties, ou saisons, séparées par un délai d’à peine quatre semaines ; la première – diffusée du 17 octobre 1994 au 13 mars 1995 – reprend la trame des tomes un à trois du manga original, alors que la seconde – diffusée du 10 avril 1995 au 27 novembre 1995 – narre les événements des volumes quatre à six.
Le manga de Magic Knight Rayearth eut beaucoup de mal à trouver sa place au Japon car beaucoup de gens le virent comme une pâle copie de Sailor Moon ; pourtant, le seul élément commun à ces deux histoires est un groupe de collégiennes qui héritent de pouvoirs magiques.
Les noms de certains personnages et lieux sont basés sur ceux d’automobiles. Cefiro : Nissan Cefiro ; Émeraude : Mitsubishi Emeraude ; Clef : Mazda Clef ; Alcyone : Subaru Alcione ; Presea : Nissan Presea ; Ferio : Honda Civic Ferio ; Ascot : Honda Ascot ; Eagle Vision : Chrysler Eagle Vision ; Geo Metro : Chevrolet Geo Metro ; Innova : Honda Ascot Innova ; Lantis : Mazda Lantis ; Primera : Nissan Primera ; Debonair : Mitsubishi Debonair ; Nova : Chevrolet Nova ; Aska : Isuzu Aska.
Le nom d’Hikaru Shidou peut se traduire par « Lumière du Sanctuaire du Lion » et est une allusion à son signe astrologique, le Lion. Quant au nom de Fuu Hououji, il signifie « Vent du Temple du Phénix », et celui d’Umi Ryuzaki veut dire « Fleur Dragon de la Mer ».
Le personnage de Mokona apparaît aussi dans Tsubasa RESERVoir CHRoNiCLE, une autre série de CLAMP.
Magic Knight Rayearth, Toshihiro Hirano, 1994
IDP Home Video, 2006
20 épisodes, env. 21 € l’intégrale collector
Cette chronique fut à l’origine publiée sur le site Animeka