Magazine Design et Architecture

Les formes temporelles de la rénovation urbaine

Publié le 17 février 2011 par Heilios

En 2005, un Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU) visant à rénover les quartiers périphériques a été initié par l’État. Depuis 2009, un programme analogue, le Programme National de Rénovation des Quartiers Anciens Dégradés (PNRQAD) a débuté pour les centres anciens. Ces programmes de rénovation ont tendance à focaliser sur le traitement de la forme bâtie, au détriment des enjeux sociaux des projets. Face à la difficulté de ces programmes à permettre une requalification durable de la ville, nous proposons d’introduire dans les programmes et les projets une pensée sur les formes temporelles.

Des méthodes éculées de rénovation urbaine

Les cités de banlieue ont été érigées à partir de programmes d’investissement massifs dans la seconde partie du XXe siècle, pour connaître très vite un phénomène de relégation dû notamment à leurs conditions de peuplements. La ville classique a vu certains de ses quartiers se dégrader dans des phénomènes lents de disqualification générés par des mécanismes complexes d’exclusion socio-spatiale des populations. Dans ce contexte, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU, 2000) incite à la mixité urbaine, vue comme un rempart à la ségrégation. Ce principe s’inscrit dans la continuité de la tradition hygiéniste française issue du XIXe siècle, avec l’éradication des logements insalubres.

Dans les quartiers anciens, il s’avère pourtant difficile de réinventer la ville sur la ville, c’est-à-dire de s’appuyer sur son héritage historique, pour envisager une ville durable du point de vue social. Si les techniques de restauration immobilière sont la plupart du temps bien maîtrisées, les outils pour innover dans la dimension sociale restent en effet à inventer. La création de logements à loyer modéré suit souvent une méthode éculée : restructuration de friches, assainissement et restauration des îlots d’habitat indigne, avec appel à des sociétés d’économie mixte donnant la gérance des immeubles à des bailleurs sociaux. Comment ces méthodes seraient-elles capables de tenir des objectifs de mixité sociale si des politiques publiques en matière d’éducation, d’emploi, de vie civique, de culture ne sont pas engagées ?

Passer de l’espace au temps

Toute tentative de modifier l’espace nous paraît vaine si elle ne s’accompagne pas d’une forme d’aménagement du temps à vocation sociale. La ville est souvent considérée comme un espace privilégié dans l’accumulation et la production de capital. Élargir cette notion au capital temporel permettrait, au lieu de focaliser uniquement sur la requalification des formes spatiales, de commencer à manipuler des formes temporelles.

Appliquée à l’urbanisme, une forme temporelle devient une succession d’événements, d’usages, d’histoires, contenus dans une structure spécifique. En voici deux exemples : la manufacture du XIXe siècle, jadis usine, aujourd’hui icône urbaine aux multiples devenirs et usages, objet de fantasme ; les grands ensembles des années soixante, successivement vus comme des lieux d’espoir puis comme des sites propices à la ghettoïsation.

Les programmes de rénovation dans les quartiers dégradés devraient être les lieux d’une expérimentation relative à l’aménagement du temps. Dans les quartiers anciens, la répartition diffuse de l’habitat insalubre et sa complexité sur les plans urbains, constructifs, sociaux, laissent peu de marges de manœuvre. Dans les périphéries, il fallait agir et les programmes PNRU ont eu l’immense mérite de commencer à requalifier le bâti dégradé, qu’il s’agisse de barres HLM ou d’immeubles faubouriens. Mais cela reste insuffisant. Nous proposons d’aller plus loin en travaillant sur les formes temporelles de ces quartiers dans le cadre d’une stratégie de court et de long terme. Cette stratégie doit donner les moyens du changement, répartir dans le temps les investissements et stimuler les initiatives privées ou associatives.

En conclusion, il nous semble que distinguer dans la ville les formes temporelles qui la composent permet leur agencement, à la manière de la composition des masses construites dans l’espace. On peut imaginer un nouvel art de la composition, mettant en jeu des formes temporelles qui entrent en résonance entre elles. Il nous faut acquérir la faculté de travailler simultanément sur plusieurs échelles de temps : le temps long de la gestion, le temps médian des projets de rénovation et enfin le temps court, essentiel et souvent négligé, pour accompagner à toutes les étapes la transformation sociale et urbaine.

Écrit par Jean Richer, en collaboration avec Jean-Phillipe Doré, architecte

A lire également :

    Partager

    Mots-Clés

    Banlieue • centre ancien • Gestion • Habitat • hlm • Jean Richer • Jean-Philippe Doré • Logement • Mixité • PNRQAD • PNRU • Programme National de Rénovation des Quartiers Anciens Dégradés • Programme National de Rénovation Urbaine • Projet • quartier • requalification • SRU • temps • Urbanisme • ville


    Retour à La Une de Logo Paperblog

    A propos de l’auteur


    Heilios 10539 partages Voir son profil
    Voir son blog

    l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

    Dossiers Paperblog